Avec nous

Propos recueillis par le Webmaster à l’occasion de la sortie de l’album “Avec toi”, en hommage à Johnny Hallyday.

Notre public connait la vérité. Les gens savent à quoi s’en tenir, surtout ceux qui ont connu cette époque. J’ai commencé à chanter à 18 ans et ne me suis jamais arrêtée depuis. Johnny et moi avons beaucoup chanté ensemble et c’était tout à fait légitime de lui rendre hommage. Et on ne nous enlèvera jamais tout ce qu’on a vécu pendant 20 ans. On voyait notre métier de la même façon, on aimait les mêmes chansons…

Merci Sylvie de m’accorder un moment dans votre emploi du temps chargé.
C’est avec plaisir. J’avoue qu’entre la tournée et les sollicitations diverses, j’ai du mal à trouver le temps pour tous mes collaborateurs et amis, c’est infernal.

Vous êtes actuellement en tournée en France et en Belgique alors que des incendies ravagent la Californie…
Oui c’est très préoccupant. Je passe mon temps à suivre les informations. L’expression « ouragan de feu” que les médias utilisent maintenant est très révélatrice des proportions que cela prend. J’habite loin des incendies mais je connais des personnes qui sont concernées. J’ai le sentiment que les catastrophes naturelles vont en empirant, c’est assez angoissant.

Difficile de ne pas évoquer votre 65ème album « Avec toi” enregistré en hommage à Johnny. Son annonce a été une grande surprise.
Je ne l’avais pas prémédité car je me satisfaisais tout à fait de chanter les chansons de Johnny sur scène mais la réaction du public a été telle, que j’ai eu envie de garder ces moments émouvants en les enregistrant sur disque. Cette séquence a reçu le même accueil au Japon où pourtant Johnny n’est pas très connu. Chaque jour, je reçois également beaucoup de lettres d’amitié et de soutien me disant combien Johnny et moi avons compté dans leur jeunesse. C’est très émouvant et je les en remercie. Toutes ces marques d’amitié m’ont définitivement convaincue d’enregistrer cet album. D’ailleurs j’ai eu un plaisir fou à l’enregistrer et j’adore le résultat. il occupe vraiment une place à part…

… dans votre discographie.
Non, dans mon cœur ! J’ai choisi la photo de la pochette ainsi que toutes celles du livret qui accompagnent le disque et le vinyle. Elles sont toutes de mon ami Jean Marie Périer. J’ai demandé à Jean Jacques Billoré qui est un artiste de talent, de créer une ambiance très nostalgique à partir de ces photos en noir et blanc pleines d’insouciance. Je trouve la photo de couverture très parlante. Je me souviens parfaitement du jour où elle a été prise. Je chantais à Strasbourg et Johnny avait eu une permission pour venir assister au concert. On le voit me regardant derrière le rideau. On se sentait seuls au monde.

Ce ne sont pas des photos très récentes….
C’est vrai, c’est un choix délibéré, c’est le Johnny que j’ai connu et aimé. Je voulais le célébrer vivant. C’est cette image de Johnny que je voudrais que l’on garde : dans sa beauté, sa force et sa jeunesse.

On a l’impression que ce nouvel opus a été enregistré dans le plus grand des secrets.
En fait tout s’est précipité cet été à Los Angeles car je disposais de plus de temps après ma tournée au Japon et en Bulgarie. Moi qui avais prévu de me reposer quatre mois, j’ai repris le chemin du studio au milieu de l’été ! Je crois qu’il m’est décidément impossible de rester longtemps au même endroit sans rien faire. Cela ne m’est pas arrivé depuis la naissance de David (rires) L’enregistrement s’est fait en un mois, ce qui est très rapide. Il faut dire que certaines chansons comme “Toute la musique que j’aime” par exemple, ont été enregistrées en une seule prise et en direct avec les musiciens, tout comme on le faisait dans les années 60. Comme je l’avais fait pour mon premier album à Nashville. Depuis les années 70, on ne procède plus comme ça.

Faire la sélection n’a pas dû être un exercice facile.
Non en effet car il a beaucoup enregistré. Mais les titres me sont venus assez naturellement car ce sont des chansons qui font partie de notre histoire ou qui ont en moi une résonnance particulière.

Vous n’avez pas eu peur de voir votre légitimité contestée ?
Notre public connait la vérité. Les gens savent à quoi s’en tenir, surtout ceux qui ont connu cette époque. J’ai commencé à chanter à 18 ans et ne me suis jamais arrêtée depuis. Johnny et moi avons beaucoup chanté ensemble et c’était tout à fait légitime de lui rendre hommage. Et on ne nous enlèvera jamais tout ce qu’on a vécu pendant 20 ans. On voyait notre métier de la même façon, on aimait les mêmes chansons…

A commencer par celles que vous aviez en commun : “Chance”, “Comme l’été dernier”…
Oui ! Toutes n’étaient pas des chefs d’œuvre (elle rit).

Vous dialoguiez aussi par chansons interposées. Dans “Madison Twist” Johnny lance “allons-y Sylvie !”.
Oui. C’était très… juvénile on va dire !

Sans parler des titres que vous partagiez en français et en anglais comme “Gonna Cry” chez vous qui est devenue “Toujours plus loin” chez Johnny…
Cela ne posait pas de problème, je n’étais pas en concurrence avec lui. Je n’ai jamais été dans un esprit de compétition avec lui, ni personne d’ailleurs.

La date de sortie de l’album “Avec toi” coïncidait avec l’audience sur la succession de Johnny initialement prévue le 30 novembre (et reportée au 22 mars, NDLR), si bien que des commentateurs y ont vu une provocation.
Ceux qui me connaissent savent que la provocation n’a jamais été mon genre. Quand cette date a été choisie par la maison de disques, je n’ai même pas fait le rapprochement. J’ai d’ailleurs pris la décision de ne plus penser à cette affaire et de me recentrer sur ma musique. Le déferlement sur les réseaux sociaux est parfois un fléau et je n’y prête plus attention.

Et ceux qui vous connaissent bien ont été surpris de vous voir sortir de votre réserve.
J’y ai été obligée quand des documents personnels me concernant ont été remis à la presse de manière mal intentionnée. Que je laisse dire des contre-vérités ou que je m’abaisse à répondre, il n’y pas de bonne solution. Heureusement que je suis en tournée, cela me tient éloignée de tout cela.

Vous avez annoncé que ce serait votre dernière tournée. Nous ne sommes pas du tout d’accord (rires) !
Ce sera la dernière tournée sous cette forme avec projections et formation musicale élargie. L’hommage à Johnny que j’ai ajouté en cours de tournée en fait un spectacle coloré, rythmé et rock. A son image finalement. Mais je songe à un tour de chant différent.

Vous aviez parlé d’un piano voix intimiste lors de notre dernière interview.
Ce ne sera peut-être pas tout à fait cela mais je préfère réserver la surprise. Je rechanterai à Paris en tout cas, c’est certain.

Il y a de belles balades qui s’y prêtent dans votre répertoire.
Oh oui mais il y aussi d’autres titres que j’aimerais reprendre pour la première fois. Je l’ai d‘ailleurs fait dans mon dernier album en reprenant un titre des Beatles que Johnny et moi aimions beaucoup (“In my life”). Il faut l’écouter dans la continuité du “message”, le texte écrit par Eric Chemouny dont j’ai composé le motif musical. Ce morceau sert à assurer la transition entre les titres de Johnny et cette chanson en forme de conclusion.

C’est un titre extrait de “Rubber Soul”, mon album préféré des Beatles. Vous en aviez déjà repris “Drive my car” pour l’album “Nouvelle Vague” en 2007 et Johnny avait adapté “Girl” en français (“Je l‘aime”) en 1966.
Mais vous êtes une vraie encyclopédie musicale (rires). J‘ai enregistré “In my Life” en une prise, comme souvent avec les chansons d’émotion. Je ne les répète jamais.

Vous avez réussi à vous l’approprier sans la dénaturer ; c’est absolument magnifique.
J’ai demandé à mon arrangeur Michaël Lloyd d’en livrer une version différente : un tempo beaucoup plus lent car cette chanson évoque la perte des gens que l’on aime et d’un premier amour. J’avais procédé de la même manière pour “Mon enfance” de Barbara en adoptant un tempo plus lent. Mais en revanche, s’agissant des chansons de Johnny, j’ai voulu les reprendre telles quelles pour ne pas le trahir. J’adore “Gabrielle” et “Oh ma Jolie Sarah” ! Mais certains titres d’homme étaient infaisables comme “Requiem pour un fou”. Il y a une puissance incroyable dans ce titre. C’est un chef d’œuvre. L’auteur, Gilles Thibaut, était le meilleur de nos paroliers. On lui doit aussi “Par amour par pitié” pour moi et “Que je t’aime” pour Johnny.

Johnny Hallyday fete ses 50 ans au Parc des Princes en Juin 1993.

Y at-il des titres qui ont été envisagés puis écartés ?
Je n’ai enregistré que les titres qui se trouvent sur l’album. J’avais songé à reprendre “L’envie” mais pour un résultat optimal sur le plan technique, 14 chansons est le maximum.

“Les coups”, l’adaptation d’”Uptight” de Stevie Wonder, vous serait allée comme un gant…
J’aime quasiment toutes les chansons de Johnny mais il y en avait tellement qu’il a bien fallu faire un choix.

Vous aviez déjà repris “Retiens la nuit” lors d’une émission télé en 1990 (“Toute la musique qu’on aime”, NDLR) et “J’ai pleuré sur ma guitare” en duo avec Johnny lors d’un concert estival à Béziers, en 1980.
Je ne me souviens que très vaguement de l’émission où j’ai chanté “Retiens la nuit”. Mais je ne me souviens absolument pas avoir chanté “J’ai pleuré sur ma guitare” en duo avec Johnny.

C’est moi qui vous avais suggéré de la reprendre aux Folies Bergère en 2014.
Oui cela me revient maintenant. C’est une adaptation de “Loving arms” de Presley que j’adore. J’avais aussi repris “Souvenirs souvenirs” de façon plus lente. Je trouve les paroles si jolies : elles auraient pu être de Trénet !

Au cours de votre relation mouvementée, Johnny et vous avez chanté ensemble à 55 reprises (disques, émissions de télé et tournées confondues) sur 35 titres différents.
C’est incroyable ! Notre relation était d’autant plus mouvementée qu’elle était passionnelle.

De cette collaboration artistique, quels sont les premiers souvenirs qui vous reviennent ?
Notre première tournée d’été en 1963 et l’Olympia que nous avons fait ensemble.

Vous connaissant, j’étais certain que vous évoqueriez la scène… Et à la télévision ?
(Elle réfléchit longuement). Il y en a eu tellement. Je garde un bon souvenir du duo sur “Bonnie and Clyde”. Je trouve que les personnages nous allaient bien. Nous aimions également “Te tuer d’amour”, la face B de “J’ai un problème” qui a été mise en avant car la mélodie était plus grand public. Je pense aussi à l’adaptation que nous avions faite de “Fever” (Vivre, NDLR) même si les paroles françaises n’étaient pas inoubliables.

Le show TV de Jean-Christophe Averty que Johnny et vous avez tourné fin 1965 était très réussi. Vous chantez “La plus belle pour aller danser” et lui “Quand revient la nuit” qui figure aussi parmi vos reprises.
Ah oui, Jean-Christophe Averty était un homme de grand talent. Ses réalisations n’ont pas vieilli.

Vous souvenez-vous avoir séjourné au Brésil et enregistré là-bas avec Johnny ? Il a été question d’un album commun.
Oui je me souviens mais nous ne voulions pas devenir une vedette à deux têtes même si dans les faits nous étions souvent associés, ne serait-ce que dans la presse. On essayait de se voir aussi souvent que possible en faisant coïncider nos tournées. Faire le même métier cimentait notre couple. Aujourd’hui, je retrouve cela avec David. Nous ressentons les mêmes choses. Chanter renforce notre relation de la même façon même si elle est parentale.

Vous a-t-il conseillée sur l’album ?
Non car il était lui-même absorbé par la préparation de son propre album qui sort ces jours-ci (“J’ai quelque chose à vous dire” NDLR). Il y a passé un an. C’était le moyen pour lui de se recentrer sur la musique et de se tenir à l’écart du tapage médiatique. Il avait peur que je chante des chansons de Johnny. Dès le Grand Rex, d’ailleurs. Il craignait peut-être que je sois accusée de vouloir attirer l’attention. C’est lui-même un homme très discret.

On s’attendait à ce qu’il chante un titre en duo avec vous. Ou qu’il dise l’introduction parlée de “Quelque chose de Tennesse”.
On n’y a même pas songé. Il faut dire qu’il était en Angleterre et moi aux Etats-Unis pendant l’enregistrement. Je n’ai d’ailleurs pas gardé l’introduction de “Quelque chose de Tennessee”.

Envisage-t-il de chanter des chansons de son père ?
Il est pour l’instant concentré sur la sortie de son propre album et il y rend hommage à son père à sa façon.

Avez-vous des projets de cinéma, de Théâtre ?
Je reçois des propositions dans ce sens dont certaines sont intéressantes mais je n’ai pas encore ressenti le déclic pour me lancer dans de longues répétitions et me mobiliser plusieurs mois.

Vous nous aviez tous surpris en 2015, en annonçant votre rentrée au théâtre avec “Ne me regardez pas comme ça”.
J’avais même dû annuler l’Olympia ! J’ai toujours fonctionné au coup de cœur. Il est trop tard pour me changer (rires).

Un dernier mot sur l’association pour la Bulgarie ?
L’association sera mise à l’honneur dans le cadre d’une soirée organisée par le gouvernement Maltais le 7 décembre. Je suis très attachée à cette association et à tous les bénévoles qui s’y impliquent avec autant de sérieux. On travaille dans la transparence et la confiance, c’est pourquoi les adhérents nous sont fidèles depuis si longtemps. C’est une ambiance à la fois familiale et efficace comme je le souhaite. On a réussi à accomplir un certain nombre d’actions au fil des années et je compte bien poursuivre dans cette voie.

Votre tournée s’achève le 12 décembre à Bruxelles. Que ferez-vous ensuite ?
Je regagnerai aussitôt Los Angeles pour y passer Noël en famille. J’en profite pour souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année à tous les fidèles du site ainsi qu’à vous cher Laurent !

Merci Sylvie et à bientôt !

Propos recueillis à Paris, le 15/11/2018

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