Interview Exclusive – Frédéric QUINONERO

A l’occasion de la sortie sa biographie “Les chemins de sa vie” (le 29 février aux éditions Ed. Mareuil), Frédéric QUINONERO répond à nos questions.

J’aime son élégance et sa dignité, en toutes circonstances. On devine derrière sa retenue apparente une sensibilité et une mélancolie touchantes.

Les fans te connaissent car tu as déjà écrit un livre sur Sylvie, un de tes tout premiers il me semble 

Oui, Jour après jour, sous forme d’éphéméride. Il résulte de la chronique quotidienne que je tenais avant d’être publié sur le forum de ton site. Je te remercie au passage de m’avoir offert cette tribune qui a été un formidable tremplin. Les fans m’ont connu là. J’ai beaucoup échangé à l’époque avec eux avant d’être publié.

Tu as beaucoup écrit depuis…

Ça ne s’est pas arrêté. J’en suis aujourd’hui à une trentaine d’ouvrages parus et je n’en reviens pas moi-même.

Comment es-tu devenu biographe ?

Un peu grâce à toi ! Je tenais donc cette chronique quotidienne sur le forum et notre ami Benoît Cachin, qui devait trouver que j’avais un certain talent, me contacte un jour car son éditeur cherchait un auteur pour un livre sur Johnny. Il fallait trouver un angle original pour l’aborder, ce qui n’était pas simple étant donné le nombre de livres consacrés à l’idole. Mon angle était tout trouvé : j’allais proposer l’éphéméride commencée dès l’enfance sur des cahiers d’écolier et régulièrement actualisée. Le travail de toute une vie ! Une fois le pied à l’étrier, je me suis spécialisé dans la biographie, en unissant mes deux passions : l’écriture et la chanson.


Selon toute évidence, Johnny est ton sujet de prédilection !

Il était mon idole, l’artiste qui a accompagné ma vie comme un grand frère. J’ai l’impression de bien le connaître, comme s’il faisait partie de mes intimes. Je suis heureux d’avoir pu lui consacrer des livres de son vivant. Il ne lisait pas tout ce qui s’écrivait sur lui, loin s’en faut, mais il regardait avec intérêt les reportages et documentaires qui le concernaient. Il disait, à mon sujet, que j’étais « juste et bienveillant ». C’est en tout cas ce vers quoi je tends.  



Tu as écrit sur les femmes de sa vie. C’était un exercice très délicat compte tenu du contexte médiatique.

Oui, c’est un challenge que j’ai voulu relever. Sans porter de jugement. Sans me risquer à prendre parti. J’ai contourné le risque en faisant intervenir une dizaine de témoins d’horizons différents, comme on mène une enquête. Et par le prétexte de l’influence des femmes dans sa vie, qu’elles soient mère, tante, cousine, filles, conquêtes d’un été, femmes de plusieurs hivers, tenter de percer le mystère de cet homme finalement assez complexe. Curieusement, le sujet n’avait pas été abordé, malgré les centaines d’ouvrages sur lui. On associe plus volontiers Johnny aux copains, aux motos, à la musique bien sûr, mais rarement aux femmes, alors qu’il a été très entouré par elles, depuis l’enfance. L’idée m’était venue à la suite d’un article que m’avait demandé d’écrire le HuffPost et les multiples invitations des chaînes info, déclinées à chaque fois, de venir débattre sur les histoires d’héritage. Je suis plutôt satisfait de ce livre. La seule mauvaise idée c’est la couverture, qui ne reflète pas du tout le contenu et a dérouté certains fans. Dommage.

En quoi “Les chemins de sa vie” est différent des autres biographies parues sur Sylvie ?

Je n’ai pas cherché à apporter absolument du neuf, des scoops croustillants qui n’ont jamais encore été révélés. J’ai simplement écrit avec ma plume, mon style, ma passion. Avec aussi tous les souvenirs que je garde d’elle, puisqu’elle a – avec Johnny – accompagné ma vie. Le premier ouvrage que je lui ai consacré, Jour après jour, date un peu. Avec le temps, j’ai fait des progrès (sourire). Certains fans attendaient de moi une vraie biographie, avec ma façon habituelle d’aller dans les détails et de redonner vie à des événements, des spectacles. C’est peut-être ça ma patte, non ? J’avais promis de l’écrire, mais je n’étais pas seul décisionnaire. J’attendais le désir d’un éditeur. Grâce à Louis de Mareuil, son enthousiasme et son investissement, le projet a enfin vu le jour. J’en suis très heureux.

Comment es-tu tombé dedans ?

Grâce à Johnny. J’ai d’abord connu Johnny, j’avais 6 ans et j’ai succombé en le voyant chanter « Que je t’aime » à la télé. J’ai appris ensuite qu’il était le mari de cette chanteuse blonde qui chantait « Loup » et « Annabel » – ce sont les deux premières chansons de Sylvie que j’ai entendues. J’ai aimé cette époque pop-rock de Sylvie. Beaucoup de fans de mon âge l’ont découverte à l’époque « paillettes » des Palais des congrès. J’ai aimé aussi cette période, bien sûr. Mais je garde au cœur surtout la Sylvie qui m’a fasciné, enfant. Je me souviens d’une photo d’elle et de Johnny, vêtus tout en jean, en couverture de Mlle Age Tendre. On m’avait acheté ce magazine réservé aux filles, juste pour la couverture. Parce que j’étais statufié devant la maison de la presse, qui l’avait placardée dehors. Je me rappelle aussi la chanson de ce feuilleton télé, Graine d’ortie, « L’homme que tu seras », qui m’avait incité à demander à mes parents de m’acheter le « grand disque » pour mon anniversaire, celui avec les duos avec Johnny. Et je les avais entraînés aux arènes d’Alès, en ce fameux été 1973. C’est la première fois que je voyais Sylvie sur scène. J’étais ébloui.

Quel regard jettes-tu sur le parcours artistique de Sylvie ?

Elle a été une star de la scène, bien avant Mylène Farmer. En suivant Les chemins de sa vie, on perçoit nettement son évolution, son goût marqué pour le spectacle et sa volonté non pas d’aligner des tubes mais de créer les chansons en public, à travers des mises en scène audacieuses et des tableaux chorégraphiés. Un virage est pris vers 1968, date de son premier Olympia en vedette, où elle alterne chansons de rythme, avec danseurs, et des titres intemporels, comme « La Maritza », qui vont cimenter son répertoire. Elle devient iconique dans les années 70 et 80 avec ses shows grandioses au Palais des Congrès, puis au Palais des Sports.

Qu’est-ce qui la distingue de ses consœurs selon toi ?

Ce goût de la scène, précisément. Cet esprit enfantin de rêver en permanence à des shows féériques et la faculté de s’entourer des bonnes personnes pour les réaliser. Ajoutées à cela, une ambition et une volonté pugnaces, une ardente volonté de réussir, malgré les obstacles. On a beaucoup parlé de son courage, de son travail acharné, de ses progrès. Cela la mettait en rage, parce qu’on oubliait souvent d’évoquer son talent. On sait pourtant, même si l’inverse est aussi vrai, que le travail sans le talent n’est rien. Elle a beaucoup appris tout au long de sa carrière, car elle n’était pas prédestinée à être chanteuse et show-woman. Dès le départ elle avait toutefois une vraie personnalité vocale et une beauté, un charisme exceptionnels. Elle a su intelligemment exploiter, développer ses atouts.

Et en ce qui concerne la femme ?

J’aime son élégance et sa dignité, en toutes circonstances. On devine derrière sa retenue apparente une sensibilité et une mélancolie touchantes.

Comment as-tu réagi à l’annonce de ses adieux à la scène ?

Cela renvoie forcément à son propre vieillissement, au temps qui passe et ça pique un peu les yeux et le cœur. Je ne me souviens pas d’un moment de ma vie sans Sylvie Vartan… Quoi qu’il en soit, on continuera à vivre avec elle grâce à ses chansons.

Propos recueillis le 1er mars 2024

Spécialiste de musique et de cinéma, Frédéric a écrit une vingtaine de livres consacrés à différents artistes français de la chanson ou du cinéma.

Il est aussi l’auteur d’un roman qui a reçu le Prix Vallée Livres du manuscrit régional Cévennes 2009.

Photo Emmanuelle Grimaud

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