Alec Palao


Interview d’Alec Palao (ACE Records), réalisée pour le site officiel en décembre 2016, à l’occasion de la sortie du CD “Sylvie en anglais et en américain”

Vous êtes celui que nous devons remercier pour ce fabuleux CD. Parlez-nous de votre travail pour ACE Records

Je suis un producteur de rééditions, archiviste et auteur. Né à Londres, je suis basé à San Francisco depuis les trois dernières décennies. Techniquement, je suis freelance et j’ai beaucoup travaillé au fil des ans pour d’autres labels aux Etats-Unis comme Rhino. Mais je reste fidèle à Ace Records parce qu’ils ont la réputation – bien méritée – de privilégier la meilleure qualité possible pour chaque CD ou vinyle. C’est aussi une entreprise extrêmement éthique en termes d’affaires. J’ai rassemblé plus de deux cents enregistrements pour Ace. Dans presque tous les cas, c’était mon idée et ils la soutenaient complètement. J’ajouterais que je supervise chaque aspect, de la négociation d’un accord pour le transfert et l’édition des bandes, la réalisation d’entrevues et l’écriture des notes de ligne, et la recherche et la sélection de photos et de graphiques pour l’emballage. Beaucoup de travail certes, mais dans la plupart des cas, cela signifie que je peux superviser chaque étape de fabrication, ce qui rend le résultat très gratifiant.

Pourquoi cette maison de disques s’intéresse-t-elle aux enregistrements de Sylvie ?

Le concept de “En Anglais… Et En Americain” me revient, mais je savais qu’Ace serait intéressé car ils ont une série consacrée aux chanteuses françaises des années 1960 (“C’est Chic”, “Très Chic”, etc.). Ils ont également publié un CD de deux albums en français de Françoise Hardy de la fin des années 1960 (“Midnight Blues”). Quant au pourquoi du comment de mon intérêt pour Sylvie : dans les années 80, j’appartenais à un groupe de rock qui a fait de nombreuses tournées en France et, en tant que “vinyle addict”, j’allais dans les magasins de disques et aux puces de la porte de Clignancourt. C’est à ce moment que j’ai développé mon goût pour la pop française des années 60, à commencer par Dutronc et Gainsbourg, mais je me suis vite intéressé à Sylvie – je pense que le premier disque que j’ai eu en ma possession était le EP “Gonna Cry”. J’ai pu trouver de beaux exemplaires de la plupart de ses albums des années 60, y compris de quelques tirages canadiens assez rares. Je suis étonné d’apprendre combien de pays ont diffusé sa musique à l’époque – c’était vraiment une star internationale !

Vous savez peut-être que la pop française des années 60/70 est devenue très populaire et “branchée” aux États-Unis et au Royaume-Uni ces dernières années, avec une prise de conscience plus importante de sa saveur unique. À la fin des années 90, à San Francisco, des amis et moi avons fondé une boîte de nuit appelée “Bardot A Go Go”, qui ne jouait que de la pop française, qui est devenu très populaire pendant un moment. “Donne-Moi Ton Amour” de Sylvie entraînait tout le monde sur la piste de danse !

Je fais toujours attention aux noms d’auteurs, arrangeurs, producteurs et musiciens sur les crédits d’un disque, et j’ai été fasciné par le nombre de grands artistes français de l’époque diffusés en dehors de France – surtout à Londres bien sûr, mais j’ai noté combien de fois Sylvie était allée aux États-Unis. À l’origine, j’avais pensé à une compilation de tous les principaux actes français chantant en anglais (“Les Copains Chantent En Anglais”) mais j’ai rencontré des problèmes de droits. J’espère toujours faire aboutir cette collection, mais c’est en faisant mes recherches que j’ai appris que les enregistrements vintage de Sylvie n’étaient pas disponibles pour les compilations multi-artistes de toute façon. Après avoir fini par trouver une belle copie originale de “Gift Wrapped From Paris”, j’ai décidé de proposer une compilation complète regroupant tous les enregistrements de Sylvie en langue anglaise des années 60, avec l’idée de montrer qu’elle était dans les premiers à partir pour les Etats-Unis et enregistrait avec les musiciens les plus sophistiqués de Nashville et surtout de New York – d’où le sous-titre “Et En Americain”.

Les fans français n’avaient jamais entendu parler des titres inédits “You please me so” ou “Friends in need are friends indeed”… Comment les avez-vous retrouvés?

ça a été tout un cheminement. J’étais au courant de l’existence de tous les inédits en anglais diffusés sur les différentes collections de CD, et bien sûr le “réseau” de Sylvie avait laissé filter d’autres inédits comme “Whirlpool” sur Youtube etc. J’ai effectué une enquête auprès de mes contacts chez Sony à New York pour voir ce qu’il y avait dans leurs archives. Ils n’étaient pas en mesure de me dire ce qui était en France, mais il était intéressant de constater que les bandes de tous les derniers enregistrements de New York de 1964 étaient encore dans les archives américaines. J’ai obtenu les listings des sessions et immédiatement remarqué qu’il y avait des chansons inédites. Et ainsi, à l’occasion d’un voyage à New York en 2014, je suis allé au studio faire une écoute et effectuer des transferts de bandes.

C’était passionnant de retrouver ces chansons, mais le plus difficile a été la procédure d’obtention des droits auprès de Sony France. Cela a pris près de deux ans, et je dois remercier Tony Scotti d’être intervenu auprès du service juridique – incroyablement lent en France – pour accélérer les choses. Avec un artiste de l’envergure de Sylvie, il est logique qu’à chaque inédit, les autorisations prennent un peu plus de temps que pour une compilation générale de “tubes”, mais même Sylvie et Tony étaient sidérés par ces délais !

Pouvez-vous nous en dire plus sur le travail de remasterisation?

Malheureusement, les bandes des sessions de Nashville de 1963 avaient été envoyées en France à l’époque (pour l’album “A Nashville”), et j’ai découvert par la suite que les archives de Sylvie chez Sony/BMG à Paris étaient apparemment un peu… en désordre, pour le dire poliment ! Donc je n’ai pas pu accéder à ces bobines en particulier, mais Eric Didi, le producteur qui a travaillé sur le catalogue de Sylvie au début des années 90, a fourni des copies de “Whirlpool”, etc. Tous les enregistrements new-yorkais proviennent de la bande stéréo master LP original ou directement des bandes provenant des sessions dans le cas des inédits. Vic Anesini chez Sony a fait les mixages, mais j’en ai fait quelques uns et nettoyé le tout. Il y a évidemment les divers mixages stéréo des chansons enregistrées à Nashville et diffusées ces dernières années. J’ai ajouté une petite chambre d’écho vintage etc pour les harmoniser avec les enregistrements mono originaux. Les sessions de Londres proviennent des mêmes sources que celles que Sony BMG a commercialisées dans le passé, mais une fois de plus, je les ai nettoyées un peu. Le mastering final a été fait par Nick Robbins à “Sound Mastering” à Londres, qui est le studio d’Ace Records.

Comment avez-vous rencontré Sylvie?

Ce projet n’aurait pas été possible sans l’aide dévouée de mon grand ami Philippe Rault (producteur de “Nouvelle Vague” en 2007, NDLR), un producteur renommé qui recrute aujourd’hui pour les tournées de Hallyday, Polnareff, etc. Philippe vit à Los Angeles près de chez Sylvie et c’est lui qui m’a présenté à elle et Tony. Nous avons eu une bonne réunion avec eux où j’ai pu expliquer le projet. Je dois dire que Sylvie a été fabuleuse dès le début, tout à fait attentive de mes idées, et a même déclaré que c’était une idée “top”. Elle est comme vous le savez des plus charmantes et garde bien les pieds sur terre, Tony aussi. Grâce à leurs encouragements et l’aide de Philippe, j’ai commencé à mettre le paquet et, comme je le disais, à suivre la longue procédure d’obtention des droits auprès de Sony/BMG.

Était-elle impliquée dans vos recherches? Comment a-t-elle réagi quand vous avez trouvé des inédits?

Sylvie est constamment occupée mais elle a eu la gentillesse de m’accorder une interview alors que nous finalisions le projet. Je lui avais envoyé un CD des pistes et je pense qu’elle a aimé réentendre des choses qu’elle avait oubliées depuis longtemps ! Nous avons bu du thé et bavardé longuement au sujet de sa carrière dans les années 1960. Je m’étais efforcé de faire un maximum de recherches à l’avance. Heureusement à l’époque, il y avait beaucoup de presse commerciale comme Billboard sur ses visites aux États-Unis, donc j’ai été en mesure d’obtenir ses impressions générales, plutôt que d’insister sur les dates, détails spécifiques etc. Je me demandais depuis longtemps par exemple, pourquoi elle n’avait jamais interprété une chanson de Gainsbourg (en studio) – à la différence de toutes les autres chanteuses françaises de l’époque.

Philippe m’a aidé pour tout ça. Comme mon français est disons, au mieux médiocre, j’avais besoin de son aide pour communiquer non seulement avec les maisons de disques en France, mais aussi avec le réseau de Sylvie, qui a contribué à fournir certaines des images que nous avons utilisées dans le livret du CD. “Merci beaucoup les copains !” (en français dans le texte, NDLR)

Y at-il d’autres morceaux inédits qui n’ont pas été sélectionnés ?

Il se peut qu’il reste quelques inédits de Nashville. L’un a été commercialisé – une version antérieure de “My Boyfriend’s Back” (dans le coffret des EP et SP paru en 2015, NDLR), mais qui n’est pas aussi bon que l’enregistrement de New York. Sur les listings de la session Nashville, “The Monkey Time” (VO de “Ne l’imite pas” NDLR) et “Mean Woman Blues” (VO de “Te voici” NDLR) sont répertoriés avec leurs titres en anglais, ce qui implique qu’il peut y avoir des versions vocales en anglais, mais sans accès aux bobines d’origine, comment en être sûr ? J’aurais aimé passer en revue les bandes à Paris, en particulier pour essayer de trouver plus de chansons de Tommy Brown/Mick Jones chantées en anglais. Sylvie a reconnu avoir enregistré des titres comme “The Sound Of Laughter” (VO de “Le jour qui vient” NDLR) – mais cela n’a pas encore été retrouvé.

Y a-t-il une chance pour que vous publiiez un volume 2 bientôt?

Une suite logique serait évidemment de rassembler les chansons en anglais des années 70, mais comme pour le CD d’En Anglais, j’aimerais explorer les bandes des sessions de “Sylvie à Paris” pour trouver plus de matériel, dont certains inédits – j’espère ! Donc croisons les doigts pour en obtenir l’accès !

Quel est votre titre préféré sur le “CD en anglais et en américain”

 
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