Questions des internautes 2001

Je n’ai jamais voulu faire du “business”. Je privilégie toujours le côté artistique sans suivre forcément les souhaits de ma maison de disques.

CES DERNIERES SEMAINES, LA PRESSE FRANCAISE S’EST FAITE LARGEMENT L’ECHO DU TOURNAGE DE 2 FILMS AUXQUELS VOUS DEVRIEZ PARTICIPER. QU’EN EST-IL AU JUSTE ?

Je sais, depuis quelques jours, que je ne participerai sans doute pas à celui dont le tournage était prévu en Russie. Mon autre projet cinématographique est, par contre, maintenu mais la période n’étant pas précisément arrêtée je ne peux guère vous en dire plus aujourd’hui. Je suis devenue un peu superstitieuse en matière de 7ème art car j’ai été trop souvent échaudée ! J’espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de rester dans un flou artistique à ce sujet…

TOUT LE MONDE VEUT SAVOIR SI NOUS AURONS UN NOUVEAU DISQUE OU UNE AUTRE EMISSION TV AVANT CETTE PERIODE CINEMA ?

Oh, il y aura certainement un album ! Pour l’instant, c’est vrai que j’ai mis la musique entre parenthèses. J’ai quand-même fait quatre spectacles en 3 ans et demi si l’on tient compte des 2 shows télé qui, sur le plan créatif, équivalent à la scène… Je me sens comme vidée, j’ai besoin de souffler un peu et de me ressourcer. Ma vie personnelle, ma fille, mes déménagements sont mes priorités du moment. Et, avant tout, il faut avoir le désir et comme j’ai l’impression d’avoir déjà tout fait, c’est un peu difficile…

PAS DE DATE D’ALBUM DONC ?

Non. C’est bien de ne pas avoir de dates car ma vie a toujours été datée, programmée à l’avance.

PAS DE DATE DE SCENE NON PLUS ?

Non, il faut le déclic !

MAIS N’AVEZ-VOUS PAS DES CHANSONS EN RESERVE QUI N’ATTENDENT QUE D’ETRE ENREGISTREES ?

Si, j’ai en effet quelques textes que j’aime beaucoup.

POUR UN PROCHAIN CD, POURQUOI NE PAS ENVISAGER L’IDEE DE CONFIER L’ECRITURE, LA REALISATION A UNE SEULE PERSONNE (OU UNE EQUIPE PLUS HOMOGENE) AFIN D’OBTENIR UN SON, UN CLIMAT ENCORE PLUS COHERENT ? ETIENNE DAHO OU DAVID PAR EXEMPLE ?

C’est difficile de trouver car certaines propositions ne me conviennent pas. Etienne Daho est toujours par monts et par vaux. Nos emplois du temps respectifs ne nous le permettent pas. Il ne peut se consacrer à tout un album car il a déjà sa propre carrière qui marche très bien et c’est tant mieux. Mais c’est un sujet que l’on évoque à chaque fois que l’on se voit puis on parle de quantités d’autres choses et on oublie… On finira bien par réaliser ce projet un jour !

David je ne sais pas. On est si proches. C’est difficile de travailler avec quelqu’un d’aussi proche, même si ça paraît curieux… Nous n’avons pas des rapports de collègues de travail !

AU MOMENT DE LA SORTIE DE SESSIONS ACOUSTIQUES, IL A ETE QUESTION DE SORTIR UN DEUXIEME VOLUME AVEC LES TITRES ECARTES. QU’EN EST-IL DE CE PROJET ?

J’avais oublié, ça me revient maintenant : il y avait, entre autres, « C’est un jour à rester couché » qui est ma chanson rythmée préférée des sixties ! Ce projet a dû être englouti dans l’urgence du moment qui était le spectacle à préparer. Les bandes ont certainement été conservées mais il y a une pagaille invraisemblable dans les maisons de disques : Philippe Delettrez me racontait récemment que certains enregistrements traînent, à même le sol, dans les bureaux. Alors si vous les demandez, ils ne les retrouveront pas !

NE PENSEZ-VOUS PAS PROPOSER UN ALBUM STUDIO UNIQUEMENT CONSTITUE DE DUOS, « UNE MOSAIQUE AUX COULEURS DE VOS RENCONTRES » COMME LE DIT SI BIEN JEROME VARRO ?

Ah c’est une jolie formule ! Et c’est une bonne idée ! C’est vrai qu’il existe pas mal de concepts d’albums à exploiter. Il y a tellement de bons chanteurs ; la liste est longue !

REGRETTEZ-VOUS DES RENDEZ-VOUS MANQUES, LORS DE VOS RECENTS SHOWS TELE PAR EXEMPLE ?

Oui, j’avais pensé faire quelque chose avec Roberto Benigni. Pas forcément un duo, peut-être un sketch, mais il était aux Etats-Unis pour les Oscars où il a été couronné… vraiment à juste titre d’ailleurs !

VOUS AVEZ FAIT VOS DEBUTS EN 1961. PENSEZ-VOUS FETER CET ANNIVERSAIRE EN VOUS PRODUISANT A L’OLYMPIA, AU MOINS POUR UN CONCERT EXCEPTIONNEL LE 12 DECEMBRE PROCHAIN ?

C’est vrai, j’y pensais dernièrement. Je ne compte pas les années mais je me disais bien que je devais avoir débuté en 61… Ce sont les autres qui me le rappellent ! C’est encore une bonne idée de fêter cet anniversaire sur cette scène mythique qui a vu mes débuts, seulement je crains fort qu’il ne soit trop tard pour organiser une telle soirée, les music-halls se louent généralement avec 2 ans d’avance !!

EN 1992, DANS UNE INTERVIEW ACCORDEE AU MAGAZINE PLATINE, VOUS DISIEZ VOULOIR REPRENDRE DANS UN PROCHAIN SPECTACLE LES MEILLEURS TABLEAUX DE TOUS CEUX QUE VOUS AVEZ PRESENTES JUSQU’A AUJOURD’HUI. QU’EN EST-IL DE CE PROJET QUI TIENT A COEUR A BEAUCOUP DE VOS FANS…

Oui, et à moi aussi ! Je rejoins le groupe (rires) ! Ah, je reprendrais de toutes façons mon Tango ! Et « Merci Monsieur l’Agent », « Enough is enough » dans une version écourtée… En regardant mes spectacles, je me suis dit que Claude Thompson avait le goût des chorégraphies interminables (rires) ! Je me suis demandée comment on pouvait résister à tant d’efforts (rires) ! « Shaft » était vraiment bien mais je ne l’ai pas revu depuis longtemps et je me demande si ça n’a pas pris quelques rides… Il faudra que le nouveau chorégraphe que je choisirai rafraîchisse certains ballets. Cela étant dit, les bonnes chorégraphies sont comme les bonnes chansons : elles sont indémodables et intemporelles (elle réfléchit)… Ah oui et « Shake your tail feather » et « Can’t stop dancing » et « Tout le bazar »… « Soul Train » aussi, c’était tellement bien, j’adore ! En revanche, « Tape-tape » m’a toujours barbée. La chanson ne me déplaisait pas mais, là encore, c’était bien trop long. Je me souviens que pour « Raining men », que j’aimais aussi beaucoup et qui ouvrait la 2ème partie de mon dernier Palais des Congrès, il fallait monter des escaliers pour accéder au toboggan. Je venais de danser « Latino » juste avant l’entr’acte et je n’en pouvais plus… 95 concerts en onze semaines, matinée et soirée le week-end, j’étais épuisée !

DANS VOTRE DERNIER OLYMPIA, VOUS AVEZ CHANTE BEAUCOUP DE STANDARDS DU DEBUT DU SIECLE JUSQU’AUX ANNEES 60. POURQUOI N’AVEZ-VOUS PAS REPRIS DES TUBES DE VOS « COLLEGUES » DE LA PERIODE 70 A 90 ?

Pour la bonne raison qu’après 1960, j’ai moi-même commencé à chanter… Si j’avais puisé dans ce répertoire plus récent, cela aurait limité considérablement mon choix dans mes propres chansons et je ne pouvais pas concevoir un spectacle constitué uniquement d’emprunts musicaux.

PARMI TOUTES LES REPRISES QUE VOUS AVEZ FAITES, Y EN A-T-IL UNE DONT VOUS ETES PARTICULIEREMENT FIERE ?

Pour ce qui est de mes reprises pour la scène, il y en a eu tellement -surtout depuis ce fameux « Century Medley »- que je serais bien incapable de choisir (rires) ! Dans mes reprises studio, je pense que « Les aventures à l’eau » était très réussie. Julien Clerc l’avait enregistrée dans un premier temps. Puis, il me l’avait généreusement donnée car je trouvais que c’était une sublime chanson -sans doute une de ses meilleures- et dont les mots appartiennent complètement à mon propre vocabulaire. D’ailleurs, en vous disant ne l’avoir chantée qu’en studio, il me revient que ce n’est pas tout à fait vrai. Je l’ai faite 2 ou 3 fois en province à l’occasion de concerts de rôdage de mon Casino de Paris pour lequel j’avais choisi deux titres de cet album « Vent d’Ouest ». En fait, j’ai retiré « Les aventures à l’eau » de mon tour car ces chansons étaient toutes les deux très lentes et surtout très longues (5 mn chacune, je crois, ce qui est énorme dans un spectacle). Etant donné que « Qui tu es » était le titre-phare de l’album, j’avais dû à l’époque sacrifier à son profit la chanson de Julien. Le but était de parvenir à un meilleur équilibre -toujours indispensable- dans le spectacle, entre chansons lentes et rapides, récentes et anciennes. Mais je ne désespère pas de la rechanter un jour. Ce serait un vrai plaisir pour moi.

QU’EST DEVENUE VOTRE ECOLE DE DANSE A PARIS ?

Oh, elle ne danse plus depuis longtemps ! La personne qui en assurait l’administration était une amie à moi. Il y a eu des problèmes de gestion. Moi, je gérais seulement l’aspect artistique mais notre entente a pris fin pour de sombres raisons de pertes financières inexpliquées. Et dans le trouble, je n’existe plus ! Mais je tiens à dire que pendant les 7 années de fonctionnement de mes studios, on a offert une gamme vraiment complète de cours : danse classique, contemporaine et jazz bien sûr, mais aussi claquettes américaines et comédie musicale. Je pense qu’on a pu former de vrais danseurs professionnels… Même si j’ai dû y mettre un terme, je ne regrette pas d’avoir tenté cette expérience, ne serait-ce que pour l’ambiance incroyable qui régnait dans cette école. Il y avait un côté « Fame », transposé dans la réalité, très stimulant… Une alchimie entre une discipline de travail acharnée inhérente à la Danse et des rapports humains vraiment chaleureux…

SPINELLI EUGENIO DE MODENA (ITALIE), VOUDRAIT SAVOIR QUAND VOUS VIENDREZ CHANTER DANS SON PAYS.

ça me paraît compromis. Il me faudrait déjà un nouveau spectacle mais c’est la forme même de mes spectacles qui est de plus en plus difficile à exporter. J’ai une troupe artistique et technique très nombreuse. De plus, il y a beaucoup de matériel de sono, d’éclairage et de vidéo-projection qui induisent des problèmes de transport, etc…

ET POUR UNE SERIE TELE STYLE « PUNTO E BASTA » ?

C’étaient des émissions très soignées mais la télévision a changé là-bas aussi. A l’époque, je me souviens de Gino Landi qui était formidable (NDLR : le chorégraphe de « Doppia Coppia » en 69). On passait des semaines à répéter pour un ballet ! La prise de vue était très soignée. Il n’y a pas de mystère : il faut du temps pour assimiler. Chez les Carpentier, on en avait moins mais c’était quand-même une semaine. Aujourd’hui, pour des raisons économiques, on vous demande de faire ça en 3 jours avec des répétitions d’une demi-heure par ci, par là. On prend sur soi mais on paie véritablement de sa personne, de son sang même ! Pensez aux techniciens qui travaillent jour et nuit. Je suis très exigeante et je veux toujours être sûre d’atteindre mon objectif. Alors je m’entoure d’une équipe qui possède ce même perfectionnisme. Il faut des gens comme Stéphane Gateau, Jérôme Revon et Camilio Daccache pour arriver à ce genre de prouesses aujourd’hui. C’est pour ça que je préfère la scène, on peut y faire des spectacles plus aboutis. Mais il est vrai qu’à la télévision, la technique permet des choses différentes, grâce aux trucages par exemple…

VOS DERNIERS SHOWS TELE FURENT L’OCCASION DE RENCONTRES ET DE DUOS PLEINS DE CHALEUR, D’EMOTION ET DE TALENT… POURQUOI LE SHOW DE TF1 EST-IL LE SEUL (DEPUIS SWANEE EN 74) A N’AVOIR PAS ETE COMMERCIALISE ?

C’est la politique de la maison de disques qui venait juste de sortir mon Live en CD, vidéo et DVD. La parution du show précédent ne datait alors que d’un an. Ils ont jugé le délai trop court et aujourd’hui, ils prétendent que ce n’est plus d’actualité. Il y a un facteur humain important : on n’est pas tout seul à décider de faire un disque. Or il n’y a plus de suivi de l’artiste ; les équipes changent tout le temps. On met des années à bien se connaître et puis on part ! Il n’y a plus cette amitié ni ce respect entre une équipe et l’artiste. Pourtant, on ne peut pas dire qu’à l’époque RCA était une petite maison !! Là, ça défile tout le temps et le travail à la chaîne je n’ai jamais aimé (rires) !

HANS LINDGREN, HUDDINGE (SUEDE) EST PARTICULIEREMENT ENTHOUSIASME PAR VOTRE PALAIS DES SPORTS 81 DONT IL A UNE COPIE ENREGISTREE A PARTIR DE LA TELEVISION SUEDOISE ! IL DEMANDE SI UNE REEDITION EN DVD EST PREVUE.

ça ne dépend pas de moi mais de BMG. C’est vrai que je pourrais leur en rebattre les oreilles, mais ce n’est guère mon genre ! Dire que certains de mes spectacles ne sont passés qu’à la télé, comme mon Palais des Congrès 75 par exemple. J’ai retrouvé une copie lors de mon déménagement. Il faudrait remastériser le son mais les bandes sont certainement perdues, c’est clair et net ! Alors si on doit s’adresser à l’INA, cela atteint des prix incroyables ! Il me faudrait un manager qui ne s’occupe que de ça.

A QUAND LA SORTIE DE L’INTEGRALE LIVE ANNONCEE DEPUIS LA SORTIE DE L’INTEGRALE STUDIO EN 95 ?

A l’époque, on avait retardé toujours pour les mêmes raisons : afin que je n’encombre pas trop les rayons. Il y avait un album, un Live… On a donc retardé, retardé puis… oublié (rires) !

ET VOUS NE VOULEZ PAS LES RELANCER ?

Non je n’ai jamais agi comme ça ! Je n’ai jamais voulu faire du « business ». Je privilégie toujours le côté artistique sans suivre forcément les souhaits de ma maison de disques. D’ailleurs, voyez le résultat (rires) !

ON A DIT QUE VOUS ETIEZ HOSTILE A UNE INTEGRALE LIVE…

Je ne suis effectivement pas d’accord pour qu’ils utilisent certains enregistrements. Une intégrale à proprement parler est impossible car ce qui a été enregistré dans de mauvaises conditions techniques ne doit pas paraître. Ils voulaient même sortir des Live repiqués au Japon dans des conditions déplorables. Mais je n’ai rien contre un coffret de mes Live sortis en France… J’aime beaucoup mes albums Live en plus ! Les Musicoramas diffusés à la radio pourquoi pas, ce serait rigolo j’avoue. C’était enregistré professionnellement, à la limite… Mais pas au Japon, c’est inaudible, enregistré directement sur la console ce qui rend les réactions du public quasiment inexistantes ! C’est une torture à écouter (rires) ! Quant à mes premiers concerts pris depuis la salle par des fans sur leurs petits magnétophones, c’est impossible aussi car on y entend au contraire plus la foule que la musique !

CLAUDINE GLEMAREC AIMERAIT QUE SORTE UNE K7 VIDEO REGROUPANT TOUS VOS CLIPS.

Oui, je trouve que ce serait une excellente idée.

LAURENT CREMERS RESIDE ACTUELLEMENT AU PORTUGAL MAIS L’OISE EST LE PAYS DE SON ENFANCE. IL SUGGERE QUE VOTRE MAISON DE LOCONVILLE SERVE DE DECOR POUR L’UN DE VOS CLIPS…

J’avoue que je n’ai jamais pensé à mettre une de mes maisons en fond de vidéo-clip, même s’il y a eu des reportages plus intimistes dans le cadre d’interviews pour la télé…

EST-CE QUE VOUS AVEZ FAIT FILMER TOUS VOS SPECTACLES EN SUPER 8 OU VIDEO ?

J’en ai quelques uns, oui. Pas en super 8 non. J’ai fait venir une équipe pour le Palais des Sports 91 car je voulais une trace. J’adorais mes décors magnifiques, le choix des chansons, les chorégraphies de Jerry Evans, tout ! Mais le son n’est pas assez professionnel pour être exploité.

DE TOUS VOS SPECTACLES QUEL EST CELUI QUI VOUS A LE PLUS MARQUEE ET POURQUOI ?

Oh je ne peux pas dire ça ! C’est comme les chansons : je les aime tous. Ils font tous partie de mes dix doigts. Je repense souvent à mon concert à Sofia mais pour des raisons évidentes, émotionnelles plus qu’artistiques. Las Vegas aussi est à part car ce sont toujours les premières fois qui m’ont marquée. C’est vrai aussi pour mes shows télévisés : le plus cher à mon coeur, de tous ceux que m’ont consacré les Carpentier, reste « Jolie poupée » (pourtant tourné en noir et blanc)… J’aime beaucoup aussi mon premier Palais des Sports. J’ai un faible pour cette salle. D’ailleurs, je me demande si on y fait toujours des concerts pour des durées aussi longues…

LORSQU’EN 1975 VOUS AVEZ DECIDE DE VOUS PRODUIRE AU PALAIS DES CONGRES, AVIEZ-VOUS PEUR ? CE N’ETAIT PAS ENCORE LA MODE DES GRANDES SALLES ET VOUS ETIEZ LA SEULE CAPABLE D’ENGAGER ET DE GAGNER UN TEL PARI, QU’EST CE QUI VOUS Y A DECIDEE ?

Je l’ai justement fait parce que tout le monde me disait que je ne devais pas le faire (rires) ! Il y avait l’esprit de contradiction mais le désir surtout. Je voulais des spectacles plus grands. Je me sentais à l’étroit à l’Olympia. J’avais pas mal voyagé et engrangé des idées que je voulais mettre en pratique dans un espace plus grand. C’est vrai que le Palais des Sports existait aussi, mais le Palais des Congrès c’était plus nouveau. Aucune femme ne l’avait fait. Alors je me suis entêtée et j’ai gagné mon pari !

VOUS DITES AVOIR UN INSTINCT, QUE LORSQUE VOUS FAITES QUELQUE CHOSE QUE VOUS NE SENTEZ PAS, ÇA NE MARCHE PAS. VOUS AVEZ DES EXEMPLES DE DISQUES OU DE SPECTACLES FAITS SANS CONVICTION ?

Si je commence à vraiment douter, je panique. Le meilleur exemple est mon Palais des Sports 91 que je n’ai finalement pas chanté comme on me l’avait proposé au départ. Quand on a contacté Alfredo Arias pour me mettre en scène, ça ne me convenait pas. Il a cherché à m’imposer quelque chose qui était très loin de moi. Or quand je suis sur scène, il faut que mon spectacle ait une VRAIE résonance en moi. On ne peut pas convaincre si on n’est pas persuadé soi-même. On me disait que ça irait mais le temps passant, je sentais bien que non. Comme je ne me reconnaissais pas dans son spectacle, j’ai dû choisir au dernier moment : annuler ou tout refaire. On a tout refait très vite. J’ai perdu dix kilos. Je dois dire que c’est Etienne Daho qui m’a redonné le courage indispensable. Et j’ai fait ce magnifique spectacle… Là où mon instinct ne m’avait pas tout à fait trompée, c’est que nous avons débuté le même jour que la guerre du Golfe et que je n’ai pu me produire à Paris que 3 semaines sur les 6 que nous avions envisagées. Malgré tout, j’étais tellement fière de ce show que je l’ai emmené en tournée à l’étranger jusqu’au Japon en juillet 92.

DEPUIS CE PALAIS DES SPORTS, VOUS AVEZ PRIS L’HABITUDE DE MELANGER REPRISES ET TITRES RECENTS…

Mais c’est que je dispose aujourd’hui d’un répertoire plus vaste qui s’y prête ! Quand j’ai écouté mon intégrale en 1995, j’y ai encore retrouvé des chansons qui n’avaient pas été exploitées ou reconnues et que j’avais envie de rechanter parce qu’elles me parlaient toujours. C’était comme renouer avec de vieux amis. Je leur trouvais une émotion nouvelle, une fraîcheur. Je les ai remaniées pour prouver que ce sont toujours de belles chansons.

VOUS DITES QUE LA CONCEPTION D’UN SPECTACLE EST COMME L’ASSEMBLAGE D’UN PUZZLE. DANS QUEL ORDRE ASSEMBLEZ-VOUS LES PIECES ?

Je ne choisis pas l’ordre des chansons en premier. Je choisis les incontournables avant toute chose. Il y a des chansons que je peux pas ne pas chanter. J’ai appris ça en voyant Presley qui n’avait pas chanté ses propres chansons et j’en avais été furieuse (rires) ! Puis j’essaie de trouver un angle, une manière de les chanter différemment.

EST-CE VOUS QUI DECIDEZ DU CHOIX DES BALLETS, Y COMPRIS DES REPRISES (SHAFT, ENOUGH IS ENOUGH, RAINING MEN) OU EST-CE VOTRE CHOREGRAPHE ?

Je le fais en osmose avec le chorégraphe que je choisis, à moins que je ressente fortement l’envie de faire une chorégraphie sur un titre particulier. Ce peut être une évidence quand une de mes nouvelles chansons est rythmée ou se prête à un climat. C’est un travail à deux qui rentre dans la pré-production, dans les six mois/un an qui précèdent les répétitions. Comme pour mon dernier spectacle : « Tour de Siècle » a été très amusant à faire pour moi. Je sais que beaucoup de fans ont été surpris. J’ai vraiment aimé faire ça : c’était du Music-Hall pur, tel qu’on l’avait un peu trop délaissé à mon goût. Seule sur scène, on est soi-même. Et la date s’y prêtait. C’était important de jeter un regard sur tous ceux qui avaient fait le siècle. Ce regard était un peu bref mais au départ, je voulais faire toute la 1ère partie comme ça (rires). On m’en a dissuadée, ce qui prouve que je me laisse influencer par moments (elle sourit). « Tel qu’il est il me plaît »… Vous connaissiez cette chanson, vous ? Moi pas. C’était formidable. J’avais un tel matériel. Il n’y avait qu’à puiser dedans. C’était intéressant mais si difficile de choisir et il y a tellement de chansons merveilleuses ! Il m’a fallu privilégier celles qui m’allaient le mieux, tout en les faisant différemment pour me les approprier en quelque sorte.

AVEZ-VOUS ETE SATISFAITE DE VOTRE COLLABORATION AVEC JEAN-PAUL GAULTIER ?

Oui, tout à fait. Je l’aime beaucoup. Il a beaucoup de talent et ne se prend pas au sérieux. Il a été charmant, très présent, disponible, et je lui en suis très reconnaissante…

VOUS AVEZ BEAUCOUP FAIT POUR MA CULTURE MUSICALE AVEC CE MEDLEY DU SIECLE. DE MEME, VOUS M’AVEZ FAIT DECOUVRIR LA TAMLA-MOTOWN AVEC VOS REPRISES DES FOUR TOPS, DES SUPREMES, MARTHA REEVES AND THE VANDELLAS… C’ETAIENT DES IDEES DE VOUS OU DE VOTRE MAISON DE DISQUES ?

De moi, oui, car j’adore ça… La « Rhythm and blues » est vraiment ma musique préférée.

ET EN GENERAL, EST-CE VOUS QUI CHOISISSIEZ DE REPRENDRE CERTAINS TITRES ?

Oui, sauf à mes débuts. Il y avait quatre titres par 45 T., alors on avait fait un pacte : je choisissais la chanson principale. Après, avec mon frère Eddie, ils faisaient quelquefois du remplissage. J’étais jeune et je ne pensais pas que je continuerais à chanter. Puis je me suis peu à peu rebellée et j’ai voulu qu’elles me plaisent toutes…

ON VOUS DEMANDE SOUVENT VOTRE OPINION SUR LE ROCK N’ROLL, LE DISCO ; MOINS SUR LE CLASSIQUE, L’OPERA, LA TECHNO, LE RAP, LE REGGAE, … EN ECOUTEZ-VOUS ?

J’écoute trop rarement la musique classique ou l’Opéra mais toujours avec un réel plaisir. J’adore assister à des représentations d’Opéra mais il est vrai que je m’y rends plus facilement aux Etats-Unis. Il arrive par moments que j’écoute du reggae mais beaucoup plus rarement la techno ou le rap. Il y a du bon dans n’importe quel mouvement musical. A mon sens, les frontières musicales n’existent pas ; il y a, comme on le dit souvent, de bonnes ou mauvaises musiques selon les cas mais pas selon les genres. C’est surtout à la radio que j’écoute de la musique, quand je suis en voiture… Encore une fois, si j’ai une vraie passion pour la musique classique, mes véritables musiques de prédilection sont le Rhythm’n blues, le jazz et le rock n’roll.

QUELLES SONT LES CHANSONS QU’ON VOUS A FORCEE A ENREGISTRER ? « J’AI UN PROBLEME », « NICOLAS » NE VOUS PLAISENT PAS, JE CROIS…

« J’ai un problème » non. Tout d’abord, Johnny n’arrivait pas à la chanter mais il était paradoxalement beaucoup plus partant que moi pour faire ce duo. Moi, je trouvais que cette chanson ne nous allait pas du tout. On préférait très nettement « Te tuer d’amour » qui figurait en Face B du disque. « Nicolas » est devenue un gag. A chaque fois, je décidais de ne plus la faire puis je capitulais. Ce n’est pas tant le thème, proche de « La Maritza », qui me gène que le côté ritournelle de la musique. J’ai fini par bien l’aimer car les gens sont tellement contents de l’entendre ! Ce serait quand-même pas sympa de ma part de ne pas la chanter…

POURQUOI AVEZ-VOUS PRIVILEGIE LA PROMOTION DE CHANSONS LENTES CES DERNIERES ANNEES (EXEMPLES : « SENSIBLE », « DARINA » OU « JE N’AIME ENCORE QUE TOI ») AU RISQUE DE DONNER L’IMAGE D’UNE CHANTEUSE FIGEE AUX YEUX DE CERTAINS TELESPECTATEURS NOTAMMENT ?

« Aux yeux de certains téléspectateurs » peut-être car sur scène, je bouge, quand-même (rires) ! Je n’ai pas privilégié spécialement les chansons lentes mais j’ai choisi, dans ce qui m’était proposé, les chansons les plus séduisantes et les plus percutantes sur le plan émotionnel, celles qui me ressemblaient le plus. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette idée qu’elles donneraient de moi une image figée. Ce n’est pas parce qu’une chanson est lente qu’elle ne projette pas une véritable force et une authenticité susceptibles de toucher le public comme elles me bouleversent moi-même lorsque je les interprète.

DANS VOTRE DERNIER ALBUM « SENSIBLE » UNE CHANSON TRAITE DE L’HOMOSEXUALITE : « L’AUTRE AMOUR ». POURQUOI AVOIR ATTENDU SI LONGTEMPS POUR ABORDER CE THEME ALORS QU’UNE PARTIE DE VOTRE PUBLIC EST HOMOSEXUEL ? AURIEZ-VOUS PEUR DE DECEVOIR VOTRE AUTRE PUBLIC SI VOUS CHANTIEZ CETTE CHANSON SUR SCENE ?

J’ai retenu cette chanson car je la trouvais très belle. Ce n’est pas pour moi un sujet tabou. Tout dépend de la façon dont les choses sont dites et c’est valable quel que soit le thème. Je n’ai ni à plaire, ni de craintes de décevoir… Et je ne fais aucune distinction au sein de mon public.

BEAUCOUP DE FANS NE SONT PLUS PARMI NOUS A CAUSE DU SIDA. AVEZ-VOUS L’INTENTION DE COMMANDER UNE CHANSON POUR LEUR RENDRE HOMMAGE ET AUSSI POUR CEUX QUI SONT TOUCHES PAR CETTE TERRIBLE MALADIE ?

Si on me proposait une chanson qui me plaise, je la chanterais car c’est un des plus graves problèmes actuels. Une jolie chanson serait la bienvenue. Il y en a eu quelques unes mais la plus belle est, sans conteste, « Sid’amour à mort » de Barbara. Je ne passe pas de commandes pour mes chansons d’amour non plus. D’ailleurs, je ne sais pas commander. C’est comme « Darina », je ne l’avais pas commandée. Quand Barbelivien me l’a proposée, j’étais hésitante mais elle a touché une corde si sensible en moi que je l’ai chantée. Encore une fois, je reçois les propositions quels qu’en soient les thèmes. Je ne suis donc pas opposée à une chanson sur le sida.

POURQUOI N’AVEZ-VOUS JAMAIS PARTICIPE A L’EMISSION DES ENFOIRES (RESTOS DU COEUR) ?

Tout simplement car je ne suis pas en France à cette période puisque je passe les Fêtes en famille à Los Angeles. Et puis on ne m’a pas réellement invitée de manière officielle. Si on me le propose et que je suis disponible, je le ferai avec plaisir car, en plus de l’amitié que j’avais pour Coluche, c’est vraiment une excellente émission… la meilleure du genre, je trouve !

DE MEME, VOUS N’AVEZ JAMAIS ORGANISE UN CONCERT DE SOLIDARITE POUR VOTRE ASSOCIATION POUR LA BULGARIE, POURQUOI ?

Au départ, quand j’ai commencé cette association, je ne voulais pas mélanger les genres. C’est délicat d’être trop présent quand on a un nom. Il faut jouer sur le fil du rasoir, un peu comme pour le fan-club, car on est également très critiqué. C’est même pire pour une association humanitaire car il y a un enjeu plus important et c’est complexe à manier. J’ai donné effectivement certains cachets de mes concerts pour mon association mais c’est une démarche personnelle. Je ne le clame pas. Mais j’ai toujours en tête un concert pour ma chère Bulgarie où j’inviterais d’ailleurs d’autres chanteurs…

ETANT DONNE VOTRE GOUT POUR LA SCENE, POURQUOI NE TENTERIEZ-VOUS PAS VOTRE CHANCE AU THEATRE ? DANS L’ABSOLU, QUEL TYPE DE PERSONNAGE ET D’HISTOIRE VOUS INTERESSERAIT ?

Oh, il n’y a pas de genre a priori. Il faut trouver le bon rôle. Je serais plutôt attirée par un rôle tragique ou, tout du moins, dramatique. Pourtant, si je lis quelque chose d’amusant qui soit original, je le ferais aussi. L’éternel problème, comme pour tous les acteurs, reste la qualité de l’écriture.

VOUS AIMERIEZ FAIRE RIRE LE PUBLIC ?

Ah oui mais c’est beaucoup plus difficile que les larmes. En ce qui me concerne, quand je regarde des comédies, il faut vraiment qu’elles soient hyper-drôles car j’ai du mal à rire au cinéma. Peu importe le type d’humour, c’est la réalisation et le sujet qui comptent. Mon extrait théâtral avec Palmade m’avait plu car il était justement bien écrit et jouer est alors un plaisir inouï, plus encore que l’émotion, car le rire me semble plus difficile à obtenir.

VOUS AVEZ, DEPUIS TRES LONGTEMPS, EU L’ENVIE DE FAIRE UNE COMEDIE MUSICALE AVEC « ALICE AU PAYS DES MERVEILLES » QUI NE S’EST JAMAIS FAITE, COMPTEZ-VOUS POUVOIR UN JOUR REALISER UN PROJET DU MEME STYLE QUI NE FERAIT QUE CONCRETISER VOS MULTIPLES FACETTES ?

J’ai vu « Mamma Mia » à Los Angeles. C’est une comédie musicale absolument gé-niale ! ça faisait longtemps que je n’avais pas vu de spectacle aussi impeccable. C’est réussi à tous points de vue ! C’était comme à un concert : la salle était debout, trépignait… C’était jubilatoire, vraiment ! C’est un bonheur pour les acteurs de jouer ça. Alors créer quelque chose comme ça en France serait formidable ! L’envie ne m’a jamais quittée, c’est le matériel qui manque en fait.

POURQUOI « ALICE » NE S’ETAIT PAS FAITE ?

Il y a eu un problème d’édition musicale qui était insurmontable à l’époque et un autre avec le compositeur Pierre Groscolas. Oh, c’est un grand regret car les textes sont toujours extraordinaires. Gilles Thibaut était un grand et inoubliable auteur.

QUE PENSEZ-VOUS DE LA CARRIERE D’ACTEUR DE VOTRE NEVEU MICHAEL ?

Elle est très prometteuse. Il a réellement persévéré dans cette voie parce que ça fait déjà une dizaine d’années qu’il travaille. ll y a tellement de facteurs pour une carrière artistique : il faut le moment opportun, la disponibilité et le talent en même temps… Et là, je crois que le prix de son travail va être pleinement reconnu. Il va interpréter Lancelot dans un prochain film.

VOUS VOYEZ SOUVENT MICHAEL ?

Non. On a des enfants artistes… Leurs parents ont ce qu’ils méritent (rires) !

QUELS SONT A L’HEURE ACTUELLE VOS ACTEURS ET ACTRICES PREFERES (TOUTES NATIONALITES CONFONDUES) ?

Al Pacino et Daniel Day-Lewis sont mes préférés même si j’estime qu’il n’existe pas de mauvais acteur qui fasse carrière. Un acteur qui a été reconnu dans 2 ou 3 films est forcément un bon acteur. Après, c’est une affaire de goûts personnels. Mes actrices préférées sont Meryl Streep et Julia Roberts.

QUEL ACTEUR MASCULIN CONTEMPORAIN CONSIDEREZ-VOUS COMME LE PLUS SEDUISANT ? AVEC QUI AIMERIEZ-VOUS TOURNER ?

Au risque de me répéter : Daniel Day-Lewis (rires) !

POURQUOI VOTRE TROP GRANDE DISCRETION VOUS EMPECHE-T-ELLE D’EVOQUER TOUT LE BIEN QUE PENSAIENT DE VOUS LES GAINSBOURG/BRASSENS/BREL/BARBARA/FERRE, ETC. DONT ON TROUVE DES TEMOIGNAGES DANS LA PRESSE DEPUIS VOS DEBUTS ?

Ce métier m’a donné la chance de rencontrer tous ces grands artistes admirables, d’interpréter -en duo avec eux ou bien seule- certaines de leurs chansons et même parfois (je pense surtout à Barbara) de tisser des liens d’amitié durable avec certains d’entre eux. Ce qu’ils ont pu déclarer à mon sujet m’a beaucoup touchée mais ce n’est effectivement pas mon style de m’en prévaloir. J’étais assez jeune quand j’ai rencontré Brassens sur un plateau de télévision. J’ai gardé le souvenir d’un homme très généreux et très sympathique, même si ça n’a été qu’une rencontre trop brève. J’étais très admirative et intimidée qu’il ait pensé à moi pour son émission. Il m’est arrivé de le recroiser par le fait du hasard, mais nous restions fondamentalement deux timides… Barbara et moi étions, comme je vous le disais, assez proches et la connaissant sur un autre plan, on parlait peu « métier » à vrai dire. Mais je ne me suis jamais cachée pour dire que je l’aimais beaucoup. Quant à Brel, je ne l’ai malheureusement que trop peu connu…

COMMENT VOUS SITUEZ VOTRE LONGUE CARRIERE PAR RAPPORT A VOS CONSOEURS FRANCOISE HARDY, SHEILA ET FRANCE GALL ?

En vérité, je ne m’occupe pas de ce que font les autres ou pas. Je ne me suis jamais posée la question. Depuis l’enfance, je voulais être artiste et je n’ai pas réfléchi à l’image que je pouvais avoir. C’était très spontané et fait avec flamme. C’est peut-être dû au fait que je chante sur scène depuis toujours, que j’aime ce côté théâtral, cette émotion brute… Mon métier ne s’est jamais borné pour moi à enregistrer des disques. Je sais que Françoise -que je connais le mieux- a une conception inverse. Elle m’a confié très tôt que la scène était pour elle un calvaire. Elle n’en fait pas mystère. Elle écrit et enregistre selon ses envies et c’est déjà un grand bonheur.

QU’EST-CE QUI A SELON VOUS MARQUE LE PUBLIC DANS VOTRE CARRIERE ? UNE PERIODE ? UN SPECTACLE ? UNE CHANSON ?

Non seulement la chanson marque mais aussi le contact humain et visuel qui crée une complicité. Une carrière d’artiste n’est pas complète sans cet échange. C’est un lien familial très intime avec le public. Je les reconnais, surtout ceux qui sont toujours au premier rang (rires) !

A LA FIN D’UN SPECTACLE VOUS ETES FATIGUEE MAIS, QUAND D’AUTRES CHANTEURS SE SAUVENT COMME DES VOLEURS, VOUS RESTEZ A DISCUTER ET SIGNER DES AUTOGRAPHES… N’EST-CE PAS CELA LA RAISON DE L’ATTACHEMENT AFFECTIF DE VOTRE PUBLIC ?

Peut-être. Je ne sais pas. Je fais ce que je ressens. On ne peut pas tricher vous savez… Et je les aime ! (grand sourire)…

ARRIVEZ-VOUS A VOUS PROMENER DANS PARIS ET COMMENT FAITES-VOUS POUR QUE LES GENS NE VOUS RECONNAISSENT PAS ?

Pendant longtemps, j’avais beaucoup de réticences à me promener dans la rue à Paris mais maintenant, sans être tout à fait détendue, j’avoue être plus à l’aise. Cela vient de moi, car les gens que je croise ont toujours été particulièrement gentils et bienveillants à mon égard mais on éprouve un réel malaise à être dévisagée et regardée. C’est en vivant une partie de l’année aux USA que j’ai appris, petit à petit, à être en contact avec la foule. Cette expérience américaine m’a permis d’évoluer dans ma façon d’être ici et de me décontracter au fil du temps.

QUELS RAPPORTS ENTRETENEZ-VOUS AVEC VOTRE CELEBRITE EN GENERAL (AVEC LES ADMIRATEURS DE TOUJOURS, CONNUS OU ANONYMES, AVEC VOUS-MEME…) QUELS SENTIMENTS PROFONDS CETTE SITUATION VOUS PROCURE-T-ELLE ?

J’ai toujours envié la célébrité des écrivains qui préserve leur anonymat. Etre constamment reconnue est fatigant et pas tout à fait normal. Cela dit, ayant débuté très jeune, j’ai maintenant tout à fait intégré cela à ma personnalité. Aujourd’hui, avec le recul du temps, j’en souffre beaucoup moins.

COMMENT UNE FEMME AUSSI RESERVEE A PU SE MONTRER AUSSI PROVOCANTE DANS LE CHOIX DE SES ROBES (JE PENSE AU FOURREAU COULEUR CHAIR AFFICHE A LAS VEGAS) ?

Sur scène je suis complètement désinhibée. Souvent les artistes sont timides. Chanter est une façon de s’oublier.

ALORS, IL Y A DEUX FILLES EN VOUS ?

Oh il y en a même beaucoup plus (rires) !

Certains fans ont souhaité connaitre votre opinion sur des sujets assez originaux, les voici :
FAITES-VOUS LA CUISINE QUAND VOUS RECEVEZ VOS AMIS ET QUELLES SONT VOS SPECIALITES ?
Oui, toutes sortes de spécialités, en improvisant souvent à partir d’une base connue. Je prends une recette traditionnelle et j’invente moi-même un plat en changeant les dosages, en ajoutant des condiments inattendus et j’y prends un vrai plaisir. Je prépare toujours la Moussaka dont les senteurs et le goût font resurgir aussitôt des souvenirs de mon enfance bulgare…
ETES-VOUS POUR L’AVORTEMENT ?
Oui.
QUE PENSEZ-VOUS DU FEMINISME ? VOUS CONSIDEREZ-VOUS COMME FEMINISTE ?
Je reconnais que les féministes ont servi la cause des femmes sur le plan social et ont été indispensables à certains moments : comme pour le vote des femmes, la contraception ou le droit à l’avortement. Mais je ne revendique pas, en tant que femme, le fait de me conduire comme un homme. L’égalité se situe ailleurs. Il faut éviter de se créer des oeillères -que provoquent inévitablement les extrêmes- en tenant un discours trop radical.
CROYEZ-VOUS EN UNE VIE SPIRITUELLE ET COMMENT LA VIVEZ-VOUS ?
Oui. Toute spiritualité donne une force irremplaçable en soi, quelle que soit la religion. On y trouve le seul vrai réconfort dans tous les moments importants de la vie. Je suis moi-même catholique, ayant été élevée dans cette religion que je ne pratique pas forcément de manière assidue. Néanmoins, je trouve toujours des moments de recueillement et de prière dans une journée et il m’arrive de temps à autre de me rendre à certaines cérémonies religieuses.
REGARDEZ-VOUS SOUVENT LA TELEVISION ET QUEL TYPE D’EMISSIONS (FILMS, VARIETES, …) ?
Je regarde rarement la télévision. Lorsque je la regarde, il s’agit surtout des informations ou d’émissions historiques. Quand je suis en France, les chaînes que je regarde le plus fréquemment sont : la chaîne Histoire, LCI, Planète, Arte et même parfois la chaîne Sports (selon l’intérêt que je porte à l’actualité sportive du moment). Je n’aime pas regarder les films à la télévision, ni les variétés d’ailleurs, sauf lorsqu’il s’agit d’émissions spéciales conçues comme je les aime (ou comme j’aimerais les concevoir) ou de concerts mythiques comme ceux de Brel, Presley ou de grands noms du Jazz.
QUELLE EST VOTRE OPINION AU SUJET DE LA PORNOGRAPHIE ET DE LA CENSURE DE CELLE-CI ?
Il convient de s’entendre avant tout sur ce qu’on range habituellement sous le terme de pornographie. Dès le début des années 60, le grand dramaturge polonais Witold Gombrowicz a écrit un traité sur la pornographie justement, et a démontré que cela touche bien d’autres domaines que la représentation de la sexualité. Il existe des traitements subis par l’être humain tels l’esclavage, le viol ou l’exploitation des enfants qui peuvent constituer des déviances irréparables beaucoup plus vulgaires et choquantes que les films ou publications dits pornographiques. Je reste persuadée de cela… Pour répondre à votre question sur la censure, je dirai qu’on ne peut y être favorable mais qu’il faut veiller à gérer l’accès des esprits jeunes qui n’ont pas la chance d’être encadrés par une vraie structure familiale. L’idéal serait de trouver d’autres moyens que la censure pour les protéger.
QUE LISEZ-VOUS EN CE MOMENT ?
Je lis toujours deux livres en même temps. Aujourd’hui, il s’agit de « La rage au coeur » d’Ingrid Betancourt et de « La musique d’une vie » d’Andreï Makine qui est l’auteur du « Testament français », un livre admirable (malgré son titre quelque peu rébarbatif en apparence) qui avait obtenu le prix Goncourt 95. Vous ne l’avez pas lu ? Ah il faut le lire ! Si les styles de ces deux oeuvres sont très différents (Makine est romancier tandis que l’autre bouquin est un récit autobiographique), les thèmes abordés me touchent particulièrement. Leurs auteurs ont une quarantaine d’années : lui est né en Sibérie et a connu le succès en France ; elle est Colombienne et a fait ses études à Paris où elle dit avoir tout appris de la démocratie et de la liberté. De retour au pays, elle a été élue sénateur et a courageusement placé au coeur de son engagement la santé des enfants de Bogota que la mafia locale confronte depuis tant d’années à la drogue. Je commence tout juste le nouveau Makine mais je suis encore conquise par son écriture (je suis une vraie fan !), d’autant plus que la musique semble très présente dans celui-ci…

QUESTIONS de Cyril Boissier (Chaumeil en Corrèze), Caroline Prodanic (Paris), Christiane Aubry, Myriam Geens (Bruxelles), Christian Van Caeneghem (Belgique), Bernard Auger (Marnes la-Coquette), Christian Revaclier (Suisse), Bernard Guilloud (Yverdons-les-Bains), Jean-Claude Petit (Flers), Eugenio Spinelli (Modena/Italie), Jérôme Varro, Hans Lindgren (Huddinge/Suède), Claudine Glemarec, Laurent Cremers (résidant actuellement au Portugal), Alain Bonnet (Grenoble), Joëlle Revollat (Plantay), Valérie Bourdy (Paris), André Renaudin, Sylvain Kléber (Lyon), Patrick Mourjan, Thierry Giardina (Marseille), Amand Berteigne (Paris), Alain Chène (Olonne-sur-Mer), Dorothée Fagard (Londres), Patrice Lefebvre, Clément Costa (Paris), Olivia Lowell & Lorraine de la Maisoneuve (Paris), JP Coruble (Pau).
MERCI A VOUS SYLVIE, D’AVOIR PRIS SUR VOTRE TEMPS POUR REPONDRE A TOUTES NOS QUESTIONS. C’ETAIT VRAIMENT GENTIL DE VOTRE PART…
Je vous en prie. ça a été un vrai plaisir car, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, le fait que ces questions aient été formulées par ceux-là même qui constituent mon public fidèle était une garantie de qualité et d’originalité. Une fois de plus, ils ne m’ont pas déçue… Et merci à vous pour votre travail attentif et pour l’engagement qu’il représente. A très bientôt !
* Ouvrages cités par Sylvie VARTAN :

W. GOMBROWICZ, 1960 : « La Pornographie »
Réédition Christian Bourgois, 1980-1994.
A. MAKINE, 1995 : « Le testament français » Réédition Folio, 1997.
A. MAKINE, 2001 : « La musique d’une vie » Editions du Seuil.
I. BETANCOURT, 2001 : « La rage au coeur » XO Editions.

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