Rencontre avec Benoît Cachin qui vient d’achever la rédaction d’un nouvel ouvrage intitulé La plus belle pour aller chanter, consacré aux 64 albums de Sylvie, dont la sortie est annoncée le 30 août prochain aux éditions Gründ.
Les fans de Sylvie vous connaissent depuis votre Dictionnaire des chansons de Sylvie Vartan qui a déjà 12 ans ! Qu’avez-vous publié depuis ?
Ce dictionnaire m’a porté chance puisque j’ai écrit depuis une douzaine de livres consacrés à Mylène Farmer, Michel Polnareff, Etienne Daho, Michel Serrault. J’ai aussi beaucoup travaillé pour des maisons de disques sur des projets très différents (communiqués de presse, livrets, éditions collector, intégrale) pour Grégoire, Patrick Fiori, Polnareff, Daho… et Sylvie bien sûr notamment sur Soleil Bleu et Sylvie in Nashville. Sinon, je reste journaliste pour la presse écrite où j’écris des articles sur les documentaires et les magazines télé dans le TV Guide Télé Câble Sat Hebdo. Je prépare également une discographie sur un grand artiste international pour 2018…
Comment vous est venue l’idée de ce nouvel ouvrage sur les albums de Sylvie ?
En fait, ce fut une demande des admirateurs de Sylvie, tout simplement. Lors des salons du livre que je fréquente toute l’année, je rencontre de nombreux fans qui me parlent du Dictionnaire. Ils m’ont tous demandé si j’allais l’actualiser un jour. C’est fait aujourd’hui dans une moindre mesure…
Sauf qu’il ne s’agit plus de dictionnaire avec des entrées alphabétiques mais d’une discographie chronologique…
Oui. En fait, je ne ferai plus de dictionnaire. La raison en est fort simple : en mélangeant toutes les chansons de toutes les époques, on ne peut pas s’apercevoir de l’évolution d’une carrière et de la cohérence des albums. C’est la limite de cet exercice même si je sais que c’est pratique pour se documenter. Je voulais vraiment que l’on comprenne l’évolution dans le temps de Sylvie, de ses choix de chansons comme de ses looks et la façon dont elle a eu d’aborder la scène. Avec cette approche chronologique, la cohérence de sa discographie apparaît de manière saisissante !
En revanche, cet ouvrage ne reprend pas toutes les chansons comme c’était le cas pour le Dictionnaire…
En effet, et je suis le premier à le regretter, même si elles toutes évoquées au minimum. Le problème c’est que Sylvie a enregistré 64 albums et que je ne voulais en omettre aucun. Je leur ai consacré quatre pages chacun. Une première page de gauche avec la pochette reproduite dans sa première édition, une introduction à droite qui replace l’album dans son contexte et une seconde double page avec une photo de l’époque de l’album, la liste complète des chansons et un coup de projecteur sur certains titres, de trois à cinq suivant le disque. Avec ce système de présentation, on arrive déjà à 256 pages ! Si on compte les introductions de Sylvie et de Carla Bruni, mon introduction et surtout les interviews de Sylvie qui jalonnent le livre, on arrive à presque 300 pages. C’était la limite fixée par mon éditeur. Pour la seconde édition, je vais essayer de le persuader de faire un livre de 600 pages !
Comment avez-vous travaillé ?
En fait, j’ai commencé ce livre en 2014 pour une sortie en avril 2015 à l’occasion de l’Olympia de Sylvie. Mais nous n’étions pas prêts. Nous avons décidé de le sortir en 2016 car Sylvie devait refaire l’Olympia à ce moment-là. Comme vous le savez, l’Olympia a été repoussé à 2017 pour cause de pièce de théâtre. Le meilleur choix était de le sortir en 2017 pour l’Olympia de septembre d’autant qu’en 2016 est sorti l’excellent Le Style Vartan des frères Cazalot et le livre Maman de Sylvie. Ca faisait beaucoup de livres ! Avec Sylvie nous sommes tombés d’accord sur la rentrée 2017.
Pour ce qui est du travail en lui-même, j’ai tout réécouté avant de commencer à rédiger puis j’ai demandé à un ami fan de tout relire pour avoir un regard extérieur. Et j’ai eu raison car comme il me l’a fait remarquer, j’avais tendance à retracer les spectacles ou à raconter le scénario des shows télé alors qu’il s’agit de se concentrer sur le disque.
Autre aide essentielle, celle d’Alain Chêne que les internautes connaissent bien. Il m’a fourni tous les scans des premières éditions de chaque disque qu’il a la chance de toutes posséder ! Il m’a également fourni une tonne d’informations sur les différentes éditions, les dates de sorties dans différents pays, les particularités de certaines pochettes. Toutes ces infos se retrouvent dans le livre. Une mine d’or pour les collectionneurs !
Comment avez-vous choisi les quelques « chansons phares » commentées dans votre livre ?
La mort dans l’âme ! Pour trancher, je suis parti des singles issus des albums. Et quand ce n’est pas le cas, pour les live en particulier, j’ai mis en avant les chansons les plus intéressantes de son répertoire, en raison d’un auteur ou un compositeur en particulier. Et puis, je l’avoue, je me suis fait plaisir en mettant parfois mes chansons préférées en vedette ! (rires)
Sylvie a-t-elle été associée au projet ?
Absolument ! Elle a été vraiment extraordinaire et s’est investie à 100% sur ce projet. Au début ce n’était pas évident, car il m’a fallu la convaincre que sa discographie était remarquable et exceptionnelle à plus d’un titre, or elle peut être très dure avec elle-même. Elle le raconte d’ailleurs dans son introduction. Une fois convaincue, elle m’a accordé des heures d’interview. Nous avons repris ensemble la totalité de sa discographie qu’elle a commentée. C’est une première et plus nous avancions dans les interviews plus les souvenirs lui revenaient nets et précis. Du coup, chaque décennie se termine par une grande interview de Sylvie. Vous allez avoir des surprises car elle évoque des choses dont elle ne parle que rarement comme Jean Renard, Jacques Revaux, Alice aux pays des merveilles, sa peur de ne pas pouvoir entamer son tour de chant en Bulgarie, son album disco avorté dans les années 70, son amitié avec Barbra Streisand, Michel Colombier, ses rapports professionnels avec Eddie son frère… Bref, des tonnes d’infos qui tournent toutes autour de sa discographie. Je suis vraiment content du résultat. Elle conclut également le livre avec une grande interview où elle revient de façon globale sur sa carrière.
Sylvie a choisi également toutes les photos du livre avec moi : 64 qui illustrent les albums plus 6 autres qui ouvrent et ferment le livre. Là ce fut bataille au sommet ! Sylvie sait ce qu’elle veut et il est parfois difficile de la faire changer d’avis ! (rires) Elle a tendance à privilégier des photos qu’elle aime beaucoup donc très connues, souvent publiées. Il a fallu que je me montre très persuasif pour lui faire comprendre que ses admirateurs attendent du neuf ! Elle a accepté et du coup, le livre présente des photos inédites ou rarement vues ou revues et d’autres emblématiques. Et je peux vous dire que des photos inédites, Sylvie en a des tonnes tout au fond de ses armoires ! Le paradis du collectionneur ! (rires). Laurent Coly et Christophe Aldin (du site www.sylvissima.com) ont également retrouvé pour moi des photos très rares. Ils ont été vraiment très réactifs !
Sylvie a également choisi la photo de couverture ?
Oui c’était très important pour elle car c’est l’âme du livre. Pour l’anecdote notre choix s’était d‘abord porté sur une photo d’Helmut Newton (une variante de celle de Petit Rainbow). La Fondation Newton à New York a refusé et ceci malgré l’intervention de Sylvie auprès de la veuve de Newton. Incompréhensible ! Autant vous dire que Sylvie n’était pas contente du tout ! (rires) Après nous sommes partis sur une photo de 1964 où Sylvie pose dans un fauteuil à l’Olympia. Sylvie trouvait que ça datait le livre, comme s’il portait uniquement sur les années 60. C’est elle qui m’a finalement proposé cette photo de Philippe Quaisse que j’ai eu l’idée de recadrer au maximum en me souvenant de la couverture de Vogue d’avril 1973 que j’adore. Le résultat a convaincu tout le monde. Le regard de Sylvie est intense, déterminé, très présent. Cette photo la représente bien je trouve.
En effet ! Revenons à la discographie, vous avez pris le parti d’y inclure des albums japonais auxquels nous n’aurions pas nécessairement pensé, mais pas le disque allemand. Pourquoi ce choix ?
Les deux albums studio japonais que vous évoquez (le « ciré jaune » de 1965 et Koibito Jidaï de 1971) sont des albums qui ne sont pas sortis en France et ils ne contiennent que des chansons inédites sur album. En fait, toutes les chansons étaient connues en France (hormis celles en japonais) mais n’étaient sorties qu’en EP en France. Si je n’avais pas mis ces deux albums, des chansons comme L’Homme en noir, Je voudrais être un garçon, Loup ou La Chasse à l’homme seraient passées à la trappe ! Impossible ! La Reine de Saba a sa place également car ne contenant que de l’inédit. Mais le disque allemand est plus une compilation agrémentée de titres en allemand (sortis en France en plus). Je l’ai donc écarté dans un souci de cohérence. En revanche, on retrouve bien les deux live japonais de 1971 et 1973, l’album américain de 1965, l’espagnol de 1967, et les deux albums italiens de 1969 et 1975.
A la lecture de cette discographie, on est frappé par la qualité des collaborations de Sylvie…
C’est même incroyable ! Sylvie a travaillé avec les plus grands et ce, quelle que soit l’époque. Elle enchaîne les collaborations à un rythme impressionnant. On constate également que c’est une véritable découvreuse de talent. Je pense à Jean Renard bien sûr mais aussi Jean-Claude Vannier, le « papa » de L’histoire de Melody Nelson pour Gainsbourg, qui commence avec Sylvie et l’album La Maritza ou plus récemment Eric Chemouny. On mesure également son évolution professionnelle. Elle passe d’un style à l’autre avec une aisance incroyable. Mais tout était pensé, réfléchi notamment par le pilier de sa carrière, Eddie. On s’aperçoit également que Sylvie fonctionne beaucoup au coup de cœur, elle fait confiance à son instinct. Et elle a eu raison notamment pour ses shows !
Cet ouvrage comporte une dimension presque biographique…
Forcément car beaucoup de ses albums résonnent avec sa vie privée. Impossible de passer sous silence la naissance de ses enfants et petits-enfants par exemple, car ils ont tous (sauf Cameron) une chanson.
Johnny, Tony sont également évoqués largement quand il y a un intérêt pour la discographie.
J’évoque également les moments plus noirs de sa vie comme ses accidents de voiture, le décès de ses parents. Sylvie les évoque également dans le livre car ils ont eu une incidence certaine dans sa carrière.
Vous êtes parfois dur avec certains albums, notamment ceux des années 80…
Je comprends parfaitement que des gens soient attachés à De choses et d’autres ou à Virage. Mais je ne peux pas mettre tous ses albums au même niveau. Ce livre n’est pas une hagiographie affirmant à toutes les pages combien Sylvie est géniale et que ses 1500 chansons parfaites. Si je veux mettre en avant Le Dimanche de Dabadie, je ne peux pas placer Ta vie de chien sur le même plan ! Comme tous les artistes, certains de ses albums sont moins aboutis que d’autres. C’est normal et Sylvie la première en a conscience. Et vu la quantité de disques sortis entre 75 et 85, il y en a eu certains moins travaillés aussi bien au niveau des textes qu’au niveau de la production qui peut apparaitre datée immédiatement à sa sortie. Le milieu des années 80 a été compliqué pour Sylvie, elle voulait vraiment faire un break et s’occuper de sa vie de femme et de mère. Elle s’en explique dans le livre, notamment le fait que RCA l’avait complètement abandonnée à cette époque. Mais à la différence d’autres artistes elle a su très vite redresser la barre. Dès 1989 et l’album Confidanses, elle revient au mieux de sa forme avec C’est fatal notamment. Je tempère néanmoins mes propos dans le livre car, quelque soit l’album, il y a toujours un ou deux titres d’intéressants. Aucun album n’est mauvais à 100% !
Si vous ne deviez retenir qu’un album par décennie, ce serait lequel ?
Vaste question. Je me lance tout de même ! (rires) Pour les années 60 : Il y a deux filles en moi. J’aime tout dans cet album, de la pochette au track-listing : Quand tu es là, Il y a deux filles en moi, Si tu n’existais pas, Cette lettre-là… La production d’Eddie est géniale également.
Pour les années 70, je retiens I Don’t Want The Night To End. Pour l’anecdote, quand l’album est sorti, je n’appréciais pas la Sylvie anglophone. Aujourd’hui, c’est un de mes albums préférés. La production est parfaite avec toutes les pointures américaines qui ont joué dessus. Les titres sont excellents. Je regrette que Sylvie ne chante jamais Easy Love, Pure Love, Distant Shores ou Don’t You Worry sur scène. Mais je tiens bon, je vais réussir à lui faire chanter un jour. Je suis aussi têtu qu’elle ! (rires).
Pour les années 80, aie aie, aie… J’avoue ne pas être fan de cette décennie comme vous l’avez remarqué. Je choisis Le Palais des Sports 81, même si je triche un peu. (rires) Ce spectacle est le premier que j’ai vu à Paris. Ce fut un choc pour moi : j’ai mis une semaine à m’en remettre. Je l’ai raconté à Sylvie qui a bien ri !
Pour les années 90, là ce n’est pas compliqué car il y a vraiment de très bons albums. Toutes les femmes ont un secret est un de mes albums cultes. Là encore, tout est parfait de la pochette de Peter Lindbergh aux chansons de Cocciante, Plamandon, Simon, Murat… Je l’écoute souvent et toujours avec beaucoup de plaisir.
Dans les années 2000 j’ai aimé l’album Sylvie produit par Paul Manners. Un album ambitieux qui, avant le Confessions on the Dancefloor de Madonna, revisite le disco sur certains titres. Une réussite.
Pour 2010, ma préférence va à Soleil bleu. Je ne suis pas objectif car j’ai assisté à tout l’enregistrement de l’album avec Sylvie pour les besoins d’un coffret Fnac. J’adore ses deux duos et j’espère que Sylvie va très vite retravailler avec Julien Doré ! J’espère dès 2018 !
Vous allez aller la voir à l’Olympia en septembre ?
Évidemment ! En plus Sylvie m’a promis de chanter ma chanson préférée Merveilleusement désenchantée. Je suis impatient d’autant qu’elle m’a soumis le set-listing de son spectacle. Vous allez être très très surpris. Faites-moi confiance !
Paris, juillet 2017