Interview exclusive

(Propos recueillis en avril 2025)

Je n’ai jamais chanté pour les honneurs

À l’occasion des 30 ans de son site officiel, Sylvie m’a fait l’amitié de me recevoir pour répondre une nouvelle fois à quelques questions. Une rencontre entre souvenirs, révélations et éclats de rire.

Merci Sylvie de m’accorder cette nouvelle interview…

C’est bien normal et je regrette de n’avoir pas trouvé le temps de le faire plus tôt. Après mes concerts, je me figurais que j’en aurai le temps mais je me trompais, cela a été encore et toujours un véritable tourbillon !

C’est la neuvième interview depuis la création du site ! J’aurais trouvé dommage de ne pas évoquer avec vous les 30 ans du site

30 ans ? C’est fou ! Je ne me rendais pas compte.

A l’époque où le site a été créé, internet était quasiment inconnu en France. Peu de foyers étaient équipés. C’est ainsi que vous avez été la première chanteuse française à avoir votre propre site ! Là aussi, vous avez été une pionnière.

Ah ça, je n’y suis pour rien. C’est essentiellement grâce à vous….

Vous ne vous êtes d’ailleurs jamais considérée comme une pionnière. Or vous avez été la première chanteuse française à inclure du rock dans votre répertoire. Et la première aussi à importer le modern jazz sur scène…

Je n’ai jamais cherché à être à la pointe. J’étais enthousiasmée par la danse telle que la pratiquait Jojo Smith. Il avait une méthode en demi-plié vraiment nouvelle ! En venant chanter à l’Olympia avec sa troupe (The Voices of East Harlem, NDLR), je n’avais pas conscience d’innover. Je sortais d’une période assez sombre et j’étais concentrée sur la préparation de mon spectacle. La danse m’a vraiment sauvée.

A cette occasion, vous avez été la première à danser sur scène avec des noirs américains. Peu le savent mais plus tard, vous avez également été la première à participer à un spectacle préolympique (à Séoul en 1988).

J’avais chanté sur l’invitation de Bob Hope si ma mémoire est bonne. Je n’avais pas conscience que j’étais la première française à le faire. C’est toujours mon entourage qui me le rappelle a posteriori !

Que vous inspire la Victoire d’honneur qui vous a été décernée par les Victoires de la Musique en février dernier ?

Comme vous le voyez, elle figure en bonne place sur mon piano ! J’étais évidemment très honorée et plus touchée encore que ce soit David qui me la remette. J’ai eu beaucoup de mal à contenir mon émotion.

Elle est venue quand même un peu tard. En 40 ans d’existence des Victoires de la Musique, vous n’aviez jamais été nommée, ne serait-ce qu’une seule fois !

Je n’ai jamais chanté pour les honneurs. J’avais déjà reçu à peu près l’équivalent pour mon Olympia avec Jojo Smith, justement (‘Le triomphe des variétés’, NDLR). J’ai tellement chanté. Chaque disque, chaque spectacle tient une place si particulière dans mon cœur que ça n’aurait pas tellement eu de sens d’en récompenser un plutôt qu’un autre. Finalement, cette victoire d’honneur qui vient couronner toute ma carrière est sans doute ce qui convenait le mieux.

Vous devez être blasée après avoir reçu autant de distinctions. Vous avez plus de décorations qu’un sapin de Noël !

(Elle rit). Non, je reste très reconnaissante. Cela me renvoie à l’attachement que mes parents portaient à la France, ce pays qui nous a tant donnés. Je me dis à chaque fois qu’ils auraient été touchés et j’en suis très émue. Il est d’ailleurs question que je reçoive une autre décoration en septembre.

Lorsque vous avez annoncé votre série de concerts d’adieux, nous avons eu du mal à y croire.

Je n’allais pourtant pas continuer à chanter éternellement. Oui, il était temps de tirer ma révérence.

Beaucoup de fans ont vu dans ce titre – « Je tire ma révérence » donc – une référence à la chanson de Véronique Sanson….

Oui mais c’est une chanson de Jean Sablon (elle commence à la fredonner). Cela dit, la chanson de Véronique Sanson est très jolie… J’avais pensé à d’autres titres pour ces concerts d’adieux. ‘Rideau !’ par exemple. Mais c’était trop brutal. ‘Je tire ma révérence’ avait le mérite d’être clair. Et c’était plus élégant, je trouve.

Pourquoi avoir choisi cette photo de Didier Galibert pour l’affiche ?

J’aime particulièrement cette photo. Aucune des photos de scène récentes ne témoigne aussi bien de ma relation avec le public. Choisir cette photo tirée de l’un de mes anciens spectacles était aussi une façon d’annoncer le concept imaginé par Tony. Avec la collaboration de Redha (Benteifour, NDLR) pour les chorégraphies, bien sûr ! Redha m’a accompagnée sur beaucoup de tournées dans les années 80. Il a imaginé des numéros incroyables. La troupe de danseurs qu’il a réunie était extraordinaire. Certains venaient de son école de danse. Ils avaient une jeunesse et une énergie communicatives.

Et il y avait beaucoup d’humour aussi.

Ces adieux allaient forcément être émouvants alors nous voulions des séquences plus légères ; j’ai toujours alterné les ambiances et je voulais rester fidèle à ce que j’avais fait dans ces salles.

Il y a eu d’ailleurs de nombreux clins d’œil dans ce show…. Je pense aux ballets tango, notamment.

Il n’y avait même que cela ! Avec les moments magiques, nous voulions retracer les moments phare de ma carrière. Il fallait aussi que le public retrouve ses petites madeleines, comme je l’explique quand je parle de ma déception de n’avoir entendu aucun tube d’Elvis Presley quand Johnny et moi l’avions vu à las Vegas. C’est pourquoi il y a deux medleys, à raison d’un par partie. Sinon, j’aurais dû sacrifier trop de titres incontournables.

Et pourtant, il en manquait ! « Aimer », pour commencer….

Oui j’y ai pensé mais elle ne trouvait sa place nulle part et j’ai dû y renoncer la mort dans l’âme. Jean-Loup Dabadie m’a écrit des textes magnifiques auxquels j’ai d’ailleurs déjà rendu hommage à Pleyel en 2021.

Et d’autre chansons iconiques faisaient défaut comme « C’est fatal » et « Je n’aime encore que toi »….

Oui c’est vrai… mais ce sont des titres que j’ai souvent chantés sur scène.

Les tenues aussi n’étaient pas sans rappeler d’anciens costumes…..

J’avais pensé un temps faire appel à tous les couturiers qui ont travaillé avec moi pour qu’ils recréent chacun un costume emblématique. Yves Saint-Laurent n’étant plus là et le temps me manquant pour les contacter, j’ai donné carte blanche à Stéphane Rolland qui s’était déjà distingué en créant tous mes costumes pour fêter mes 50 ans de carrière à la salle Pleyel en 2011. Il a fait un travail remarquable. Il a beaucoup de talent et c’est un homme délicieux.

J’ai lancé un sondage sur le site afin de connaître l’avis des internautes quant à leur costume préféré. Ils ont plébiscité la robe blanche du final.

Ah oui ? Pourtant, toutes méritaient d’être plébiscitées ! Celles que je préfère ? Ah, j’ai un faible pour la noire avec une collerette blanche. Oui, c’est vrai qu’elle est dans le même esprit qu’une robe que j’ai portée dans le même style (pour l’album ‘De choses et d’autres’, NDLR). Je suis très constante dans mes goûts… sur le plan vestimentaire, en tout cas (rires). Il faut dire que certains styles sont indémodables.

Vous disiez que tout s’est fait dans l’urgence… Pourquoi cela ?

Il faut quand-même se rappeler qu’à l’époque de mes grands shows au Palais des Congrès ou au Palais des sports, on disposait de nombreuses semaines pour répéter et on se rodait ensuite lors de longues tournées en province. Pour mon dernier spectacle, tout devait être prêt en quelques jours. Le projet était ambitieux entre les chorégraphies, le nombre incroyable de titres… Mais ce temps de conception en amont est aussi la partie que je préfère. Ce doit être mon côté masochiste (rires). Franchement, c’était de la folie douce. Mais c’est aussi pour ça que je fais ce métier (rires).

Est-ce qu’il y aura une diffusion télé de ce concert ?

Oui c’est prévu sur France 2 !

Et peut-on espérer une sortie en DVD ?

Tony y travaille avec JLA qui produit le DVD. Le film du concert est quasiment terminé mais les séquences d’archives qui introduisaient chaque moment magique posent des problèmes de droits. J’ai peur qu’il faille renoncer à certaines images qui avaient été rassemblées et montées avec talent par Christophe Daniel. Lui aussi y travaille d’arrache pied. C’est un privilège d’être aussi bien entourée.

Des dates de concerts avaient été évoquées en Bulgarie et au Japon…

En l’état, le show « Je tire, ma révérence » est compliqué à déplacer à l’étranger. C’est pourquoi nous avons dû renoncer à la Bulgarie. Il faudrait que je répète un nouveau spectacle spécialement pour l’occasion. J’avoue avoir du mal à me projeter dans une formule de spectacle plus resserrée pour seulement une ou deux représentations. Le Japon est un pays que j’adore. Je ne désespère pas d’y rechanter mais plus le temps passe et plus ce sera compliqué de repartir en tournée sans recommencer toutes les répétitions. Pour les français qui n’ont pas pu faire le déplacement, nous songeons à faire des Master class, c’est une formule originale où la projection du concert en salle est suivie d’un échange avec le public… J’aime assez l’idée d’aller à la rencontre du public. On n’a pas encore finalisé les villes. Il y en aurait une dizaine en France mais cela semble assez compliqué à organiser donc je n’en suis pas encore certaine.

Alors ces concerts seront vraiment les derniers ?

Oui je crois vraiment avoir fait le tour de ce que je voulais faire sur scène, mais je ne m’interdis pas de chanter si l’occasion se présente. J’ai d’ailleurs enregistré ‘Tout reste à dire’ avec Léonard Lasry il y a déjà quelques temps déjà. J’avais beaucoup aimé son travail sur mon album ‘Merci pour le regard‘ (2021). Retravailler avec lui a été un grand plaisir.

Il avait déjà repris ‘Avec tous ces ne me quitte pas’

Je suis toujours très heureuse que mes chansons revivent, tant que l’interprète apporte sa touche personnelle et c’est le cas !

Et que dire de ‘Irrésistiblement’, dont les paroles ont été utilisées pour inviter à la prière lors d’une messe de Pâques ?

C’est incroyable (rires). J’avoue que je n’en suis pas revenue. Je me demande ce que les personnes qui assistaient à la messe en ont pensé. ‘Tourne tourne tourne’ qui est inspirée de l’ecclésiaste aurait mieux convenu, à la rigueur.

‘La Maritza’ connait un revival. Après avoir été virale sur Tik Tok, elle a été relancée par la bande originale du film de Ken Scott…

C’est vraiment incroyable. On m’a parlé de millions de vues sur TikTok et Internet, c’est fou. C’est un phénomène qui me dépasse complètement ! Il paraît d’ailleurs que ‘Baby c’est vous’ est en train de suivre le même chemin. Je ne me l’explique pas car c’est une chanson que je n’ai quasiment jamais chantée sur scène contrairement à ‘La Maritza’. Je comprends que son refrain plaise aux nouvelles générations ; les bonnes chansons sont intemporelles.

‘La Maritza’ a ensuite été relancée grâce au succès du film ‘Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan‘.

Je suis très heureuse du succès remporté par ce film. J’avais déjà beaucoup aimé le livre de mon ami Roland Pérez. Et je ne voyais pas comment il pourrait être transposé à l’écran. Quand je l’ai vu la première fois, j’ai été émue aux larmes. Leila Bekhti est une actrice absolument bluffante. Et c’est une femme tout aussi remarquable, un amour ! J’ai vraiment eu un coup de cœur pour elle.

Je me suis laissé dire qu’elle devait venir chanter avec vous sur scène au Palais des Congrès.

Oui mais l’émotion pour elle était trop forte, je peux le comprendre. Et pour ne rien arranger, nous devions chanter ‘Aimer’ qui n’est vraiment pas un texte très facile… J’en sais quelque chose pour avoir eu beaucoup de mal à la mémoriser.

Il y a une scène du film avec un deep fake censé vous représenter 30 ans plus tôt. Il a été diversement apprécié des fans.

Ah oui ? C’est peut-être moins évident pour ceux qui me connaissent bien. Je ne suis pas la mieux placée pour en juger. Le succès du film n’en est pas moins mérité car l’histoire de Roland est bouleversante. Je n’avais pas conscience d’avoir joué un tel rôle dans sa guérison. En tout cas pas au point de figurer à côté de Dieu dans le titre de son roman (rires) ! J’ai longtemps pensé que j’exerçais un métier futile. Je n’ai pris conscience que très récemment de l’effet presque thérapeutique qu’ont pu avoir certaines de mes chansons. Cela fait aussi partie des retours que je reçois depuis la sortie du film. Depuis, Roland est très sollicité, il ne sait plus où donner de la tête, c’est à peine si nous avons le temps de nous croiser (rires).

Roland Perez parlait dans une interview d’un projet de biopic.

Oh la la ce n’est qu’un projet comme vous le dites, il est beaucoup trop tôt pour en parler.

On a du mal à imaginer quelqu’un vous incarner.

Il faudra forcément se détacher de l’original. On essaiera de respecter ma voix, de garder mes chansons originales. Mais nous aurons le loisir d’en reparler le moment venu. Si cela se concrétise !

Il était également question d’un documentaire.

Oui ce documentaire sera diffusé en septembre sur France 2. Il sera du même genre que le documentaire consacré à Michel Sardou. J’ai eu beaucoup de plaisir à répondre aux questions d’Augustin Trapenard. Il a fait un très bon travail de préparation en amont. Et les questions étaient fines et bien amenées. J’espère qu’il y aura autre chose que les archives habituelles pour renouveler un peu l’exercice. Il y a tellement d’archives à l’étranger. J’en ai pris conscience en préparant mon dernier spectacle. Tous les pays où j’ai chantés ne sont pas dotés d’un fond comme l’INA. Et les documents retrouvés sur YouTube ne sont pas exploitables de manière professionnelle.

Vous avez une très jolie chanson qui s’appelle « Ne raccrochez pas » dans laquelle vous parlez de « la folie qui vous prend quand la fête est finie » (album ‘De choses et d’autres’ de 1982).

Cela me dit quelque chose.

Sur le même thème, il y a aussi la chanson ‘Invisible’ écrite par Eric Chemouny en 2004. Qu’est-ce que vous avez ressenti après le dernier spectacle ?

C’est que je n’ai pas tellement eu le temps de réaliser car je n’ai pas eu une minute à moi. C’est toujours ainsi quand je suis à Paris. Je vais de rendez-vous en rendez-vous, et c’est à peine si j’ai le temps de croiser tous mes amis, c’est infernal (rires).

Comment envisagez-vous la retraite, vous qui n’avez jamais vraiment quitté ce tourbillon depuis vos 16 ans ?

Dans l’immédiat, j’aspire à une vraie période de repos à Los Angeles. Ensuite, je prendrai le temps pour ce que je n’ai jamais le temps de faire à savoir… rien (rires) ! Et puis je vais m’occuper de mes proches, en particulier de mes petits-enfants. Je ne vais donc pas m’arrêter de prendre l’avion pour autant

Alors on se dit à bientôt ?

Oui à bientôt Laurent. Compte tenu des différents projets dont nous venons de parler, le site n’est pas près de tirer sa révérence !

Merci à Sylvie pour sa fidélité, sa bienveillance, et cette liberté de ton qui fait tout le charme de cette interview anniversaire.

Précédentes interviews : 2001 / 2003 / 2005 / 2007 / 2009 / 2012 / 2017 / 2018

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